Il y a une chance sur deux que cette galaxie entre en collision avec la nôtre

Pendant plus d’un siècle, les astronomes ont surveillé la galaxie d’Andromède, gigantesque tourbillon d’étoiles et notre voisine, alors qu’elle s’approchait de plus en plus de notre Voie lactée. Et, au cours des dernières années, des mesures prises grâce au télescope Hubble semblent confirmer une ancienne prophétie. D’ici 4 à 5 milliards d’années, les deux galaxies se rencontreront pour finalement fusionner et ne devenir qu’une seule colossale galaxie, totalement méconnaissable.
Une étude récente des deux galaxies et de plusieurs autres, tout aussi cruciales, galaxies massives de notre recoin de l’espace, font planer le doute sur un présage calamiteux. La nouvelle estimation s’est projetée des milliards d’années dans le futur et révèle qu’il y a 50 % de chances qu’Andromède et la Voie lactée fusionnent.
« La description la plus précise que l’on pourrait en faire, c’est celle d’un lancer de pièce », déclare Till Sawala, astrophysicien de l’université d’Helsinki, et co-auteur de l’étude.
Une apocalypse galactique désastreuse ne serait maintenant plus certaine. Comme le fait remarquer l’équipe de chercheurs dans leur nouvelle étude, publiée dans la revue scientifique Nature Astronomy, « les proclamations de la fin imminente de notre galaxie semblent être grandement exagérées ».
La Terre n’existera plus dans 5 milliards d’années. Elle aura probablement été carbonisée et avalée par notre Soleil mourant, en pleine expansion. Mais si la Voie lactée et Andromède se frôlent l’une l’autre, il s’agira d’une bonne nouvelle pour les mondes futurs. Une fusion de cette échelle provoque souvent l’unification et l’expansion des trous noirs supermassifs au cœur de chaque galaxie, les métamorphosant en des monstres astrophysiques terrifiants et hyper-énergiques. Cela empêche les gaz voisins de refroidir et de fusionner pour créer de nouvelles étoiles. Or, sans nouvelles étoiles, pas de nouvelles planètes.
La possibilité que les deux galaxies ne fassent que de se frôler est « quelque peu réconfortante », confie Alister Graham, chercheur spécialisé en galaxies de l’université technologique de Swinburne en Australie, qui n’a pas pris part à la récente étude. Il est agréable de penser que la Voie lactée « a encore un futur long et riche en nouvelles planètes devant elle ».
LA PAGAILLE D’UNE FUSION GALACTIQUE
Les astronomes observent des fusions de galaxies ayant lieu à travers l’espace et le temps. On qualifie de fusion majeure deux galaxies, aussi massives l’une que l’autre, qui s’unissent et de fusion mineure une galaxie de plus grande taille qui en absorbe une plus petite.
Les étoiles sont facilement anéanties par les interactions gravitationnelles extrêmes de deux galaxies qui se tournent autour. Certaines explosent même avec leurs planètes et sont dispersées dans toutes les directions comme des confettis. Les espaces entre deux étoiles individuelles sont cependant tellement vastes que la plupart n’entrent jamais en collision. Et bien que les plus petites des galaxies peuvent se faire dévorer par les plus grandes, le résultat est souvent constructif. « Les fusions mineures produisent à la fois des étoiles et des gaz, les matériaux bruts nécessaires à la création de nouvelles étoiles, dans la galaxie hôte. Les vents stellaires causés par les étoiles nouvellement formées enrichissent le milieu interstellaire de poussière et de métaux, stimulant encore plus le cycle de formation des étoiles », explique Alister Graham. On trouve des preuves attestant que la Voie lactée elle-même découle de la fusion de plusieurs galaxies.
« Jusqu’à 50 % de la masse des galaxies que nous connaissons aujourd’hui provient d’anciennes galaxies cannibalisées », explique Christopher Conselice, astronome extragalactique de l’université britannique de Manchester, qui n’a pas pris part à la récente étude.
Bien que les astronomes sachent depuis le tournant du 20e siècle que la trajectoire d’Andromède l’approche de plus de plus de la Voie lactée, ils ignoraient la nature de leur rencontre : serait-elle directe ? S’agirait-il d’un frôlement ? Mais en 2012, une étude significative menée grâce au télescope Hubble est arrivée à une conclusion définitive. En se basant sur le mouvement des étoiles et sur les masses énormes des galaxies, les deux galaxies seraient attirées gravitationnellement l’une vers l’autre, avec pour résultat, une collision directe d’ici 4 à 5 milliards d’années. Des études réalisées en aval de celle-ci ont obtenu une temporalité différente : la collision aurait lieu soit plus tôt, soit plus tard, mais elle serait dans tous les cas, inévitable.
Et environ 2 milliards d’années après la tempétueuse fusion majeure, les deux galaxies spirales atteindraient l’équilibre et la coalescence. « [La nouvelle galaxie] aurait la forme d’un blob elliptique », décrit Till Sawala.
LE FAMEUX GRAND NUAGE DE MAGELLAN
Depuis 2012, cette finalité est devenue pareille à une parole d’Évangile au sein de la communauté scientifique, ainsi qu’un fait dans les manuels. « Si l’univers tournait autour de la Voie lactée et d’Andromède, alors se dirigerait tout droit l’une sur l’autre », dit Alister Graham.
Cependant l’éventualité d’une collision future dépend du comportement de tout ce qui se trouve dans notre groupe local, cette panoplie d’au moins 100 galaxies qui se baladent dans ce coin de l’univers. D’autres galaxies présentes dans notre environnement pourraient attirer ou repousser ces deux voyageuses au cours du temps.
L’équipe de Till Sawala a décidé de simuler l’évolution de la Voie lactée et d’Andromède au cours des 10 milliards d’années prochaines. Mais en mettant leur idée en place, ils ont pris en compte d’autres acteurs majeurs de notre groupe local, à savoir la galaxie en spirale du Triangle et le Grand Nuage de Magellan, une galaxie irrégulière qui orbite autour de la Voie lactée.
Les chercheurs ont utilisé des données du télescope Hubble et de l’observatoire spatial Gaia de l’Agence spatiale européenne (ESA, European Spatial Agency) afin de déterminer au mieux les mouvements de ces galaxies ainsi que leur masse, faite de matière visible et ordinaire, mais aussi de l’invisible et plus prévalente matière noire.
Bien que l’on sût déjà que la galaxie du Triangle était assez massive, on pensait le Grand Nuage de Magellan comme étant un peu plus léger. Mais les nouvelles données suggèrent, étonnamment, une masse énorme, l’équivalent de 10 à 20 % de la masse de la Voie lactée. « Et cela va avoir une influence sur le mouvement de la Voie lactée dans l’espace », explique Till Sawala.
Cette équipe de scientifiques a mené cette simulation des mouvements des quatre énormes galaxies des milliers de fois. La galaxie du Triangle jouait le rôle d’un aimant, attirant la Voie lactée et Andromède l’une vers l’autre, tandis que le Grand Nuage de Magellan jouait un rôle plus répulsif. Et lorsque le ballet impliquait les quatre galaxies, les chances d’une fusion majeure tombaient à 50 %.
UN COUP MANQUÉ GALACTIQUE
« Il y aura toujours des incertitudes quant à savoir quand et comment la Voie lactée et Andromède fusionneront », affirme Christopher Conselice. La matière noire pourrait agir comme une force de fixation. Mais l’énergie sombre, une force mystérieuse qui semble repousser tout ce qui se trouve dans l’univers aura également un rôle à jouer, et de récentes données suggèrent que sa force pourrait évoluer au cours du temps. Tout ceci rend compliquées les prévisions d’une fusion galactique aussi éloignée dans le temps. Mais on peut affirmer avec certitude que la collision de ces deux galaxies n’est pas assurée.
Certains astronomes ont suggéré que si elle venait à se produire, la nouvelle galaxie pourrait être rebaptisée Lactomède. Ce doux sobriquet n’est pas le plus beau des noms, mais pas d’inquiétude, rassure Till Sawala : « Nous avons encore des milliards d’années pour trouver un meilleur nom. »
Dans tous les cas, ce chaos galactique définira le futur de la Voie lactée. Même si le Grand Nuage de Magellan s’interpose entre Andromède et notre galaxie pour les séparer, les simulations des chercheurs montrent également qu’au cours des 2 milliards d’années qui suivent, il sera absorbé par la Voie lactée sans merci.
« Cet événement se produit dans presque 100 % des cas », déclare Till Sawala. « Il n’y a pas d’échappatoire. »