Aller à la plage est bon pour la santé (c'est scientifiquement prouvé)

Mai 24, 2025 - 07:30
Aller à la plage est bon pour la santé (c'est scientifiquement prouvé)

La côte a toujours été un lieu de guérison. Dans l’Europe du 18e siècle, les médecins prescrivaient un bol d’air marin aux patients atteints de maladies allant de la tuberculose à la lèpre. Les patients passaient leurs journées à se prélasser dans l’eau salée riche en minéraux, la buvant parfois, et ils s’endormaient la nuit, bercés par le vent et le ressac des vagues.

Bien que les éléments de cette thérapie marine aient, depuis, été réfutés, la science moderne continue de découvrir les bienfaits que la nature nous apporte. Les chercheurs en ont eu un aperçu grâce à une étude marquante menée en 1984. Celle-ci a révélé que les patients venant de se faire opérer, hospitalisés dans des chambres ayant des vues sur la nature, tendaient à avoir un temps de récupération plus court et plus agréable que les personnes ayant vue sur un mur de briques.

Dans les décennies qui ont suivi, les sciences de la physiologie environnementale ont mené plusieurs études sur le bien-être humain en extérieur. La plupart de leurs travaux se concentraient sur les espaces verts : parcs et forêts. Mais une nouvelle vague de chercheurs se tournent vers des horizons plus bleus.

Mat White, psychologue environnemental, également un grand amateur de surf et de nage en eau libre, est l’un des pionniers de ces travaux. En 2010, ses collègues et lui ont découvert que les personnes avaient tendance à juger les photos d’environnements naturels et urbains comme étant plus attractives et restauratives lorsqu’elles comprenaient un élément aquatique.

Cette étude a, depuis, été citée plus d’un millier de fois, et a contribué au coup de fouet du mouvement de recherches sur les espaces bleus d’aujourd’hui. Plongez donc dans les mystères du corps et du cerveau lorsque vous passez du temps à la plage.

 

PLUS D’EAU, MOINS DE STRESS

Vos premiers pas sur le sable seront sûrement suivis de ce que les psychologues environnementaux qualifient de « restauration de l’attention ». C’est votre esprit qui commence à se détendre et qui observe ce qui vous entoure d’une manière plus douce, qui demande moins d’efforts cognitifs.

Lors de leurs premiers travaux sur les espaces bleus, Mat White et ses collègues ont analysé les réponses à un sondage collectées auprès de 4 255 Anglais afin de comprendre quels environnements naturels évoquaient le plus des sentiments de restauration. La côte était légèrement mieux classée que les bois et les montagnes.

Qu’est-ce qui rend la plage si particulière pour apaiser le cerveau surexploité ? Catherine Kelly, autrice de Blue Spaces: How and Why Water Can Make You Feel Better, qui n’a pas été traduit en français, pense que cela est lié à l’échelle : la sonorité immersive des mers et des océans et leur immensité qui  s’étend à perte de vue.

Lorsque l’on se rend sur la côte, dit-elle, « on nous invite à concentrer notre attention sur l’horizon. Cela s’accompagne d’une impression d’admiration, on prend du recul sur nos problèmes et on se sent comme faisant partie de quelque chose de plus grand que nous. »

L’admiration a tendance à se produire lorsque l’on se connecte avec un concept si vaste qu’il nous rappelle que la place que nous occupons dans le monde est relativement petite. Cette émotion est connue. Elle réduit le stress, engage un sens de but et nous pousse à agir de manière plus désintéressée.

Selon la théorie de la restauration attentionnelle, mentionnée pour la première fois en 1989 et encore acceptée aujourd’hui, les paysages les plus restauratifs ont tendance à être « agréablement fascinants ». Leurs panoramas sont spectaculaires, suffisamment pour retenir notre attention tout en étant assez prévisibles pour permettre à notre esprit de se détendre. Les vagues de l’océan correspondent parfaitement à cette description, affirme l’écologiste sociale de la vie marine Easkey Britton.

L’influence des vagues sur le stress n’a jamais été étudiée avec rigueur. Cependant, il existe des preuves qu’observer des « fractales », des schémas qui se répètent à différentes échelles, comme des vagues qui se fracassent sur une plage, est associé à des changements au sein de nos propres vagues cérébrales, encourageant les fréquences alpha qui suscitent la relaxation.

En tant que surfeuse, l’expérience personnelle d’Easkey Britton et les recherches déjà existantes sur les espaces verts la poussent à penser que les vagues « exigent une présence et une concentration. C’est cette présence qui nous libère de nos inquiétudes et de nos ruminations », explique-t-elle.

 

UNE « SALLE DE SPORT BLEUE »

Alors que votre esprit commence à ralentir à la plage, votre corps pourrait suivre le rythme en faisant une longue marche, en allant nager ou en tapant dans un ballon avec vos amis.

Les recherches suggèrent que les paysages côtiers encouragent l’exercice et la myriade de bienfaits pour la santé que cela entraîne. Même si les personnes semblent avoir une pratique sportive intensive dans les espaces verts, une étude parue en 2020 dans la revue scientifique Environmental Research a révélé qu’elles avaient tendance à s’exercer plus longuement dans la dénommée « salle de sport bleue ». Cela est potentiellement dû à la perception du temps, qui paraît plus long près de l’eau.

Cette activité physique prolongée, associée avec la diminution du stress que procure la côte, pourrait mener à une meilleure qualité de sommeil. En 2024, une analyse de données provenant de 18 838 adultes venant de dix-huit pays différents, a montré qu’en moyenne, des visites fréquentes dans des espaces verts et bleus étaient liées à des nuits plus réparatrices. On considère qu’une mauvaise nuit dure moins de six heures.

 

SUPPORTER LA DOULEUR

Les personnes ont depuis longtemps eu recours à la thérapie marine pour soulager leur douleur et leur stress, mais il n’a jamais été clair de savoir si ces bienfaits venaient réellement de la proximité à la côte, ou simplement des quelques jours de repos, loin de nos problèmes personnels, qui l’accompagnent. C’est parce qu’il est difficile de prouver scientifiquement que le paysage en lui-même participe à la diminution de la douleur.

Les essais contrôlés à double insu, lors desquels les sujets étaient aléatoirement assignés à un traitement ou à un contrôle, sont les meilleurs standards de la recherche scientifique. Mais ils sont également presque impossibles à mener dans des environnements extérieurs. « On ne peut pas rendre une personne aveugle à cette condition. Elle sait si elle regarde la mer ou non », fait remarquer Mat White.

Cependant, certains chercheurs ont à présent recours à la réalité virtuelle pour étudier les effets de la nature sur la douleur de façon plus rigoureuse. Un magnifique exemple de ces études est un essai contrôlé randomisé qui a eu lieu… dans un cabinet dentaire.

Les chercheurs voulaient savoir si les qualités relaxantes de la côte pouvaient aider les patients anxieux à mieux aborder leur rendez-vous en temps réel. Les téléporter à la plage n’était pas réalisable, alors ils ont fait ce qui s’en approchait le plus.

« L’idée, c’était que si nous avions une forte réalité virtuelle, nous pourrions interférer avec l’imagerie mentale des personnes et les aider à mieux vivre leur [rendez-vous chez le dentiste] », explique Sabine Pahl, une psychologue sociale de renom et chercheuse des espaces bleus, qui a co-écrit l’étude.

Lors du traitement dentaire, les patients portaient un casque de réalité virtuelle qui simulait une promenade en extérieur, soit le long de la côte, soit à travers une ville propre et agréable. Sans surprise, le groupe qui se voyait transporté sur la côte montrait des niveaux bien plus faibles de douleur lors du traitement que les personnes qui se promenaient en ville ou que le groupe étalon.

Les avancées technologiques permettent aux chercheurs d’étudier les effets de la nature sur la douleur avec une précision encore plus grande. Lors d’une étude publiée dans la revue scientifique Nature Communications en mars 2025, une équipe de chercheurs a étudié quarante-neuf personnes en bonne santé virtuellement projetés dans un paysage naturel (un lac), urbain ou en intérieur, le tout, en les électrocutant.

Les imageries par résonnance magnétique fonctionnelle ont montré que les paysages naturels étaient associés à une douleur subjective plus faible et une activité différente des régions du cerveau responsables de la perception de la douleur.

Cela fournit une base neurologique potentielle pour ce que les chercheurs ont observé dans le cabinet dentaire tout en montrant que, au-delà de susciter des émotions positives, les paysages naturels pourraient en réalité améliorer notre capacité à gérer la douleur.

 

TISSER DES LIENS À LA PLAGE

Vacances en famille ou pique-nique en bord de mer avec des amis, nombreuses sont les personnes qui choisissent de se rendre sur la côte avec leurs proches. Cela interroge : les espaces bleus aideraient-ils à tisser des liens sociaux ?

Pour le découvrir Sabine Pahl, Mat White et d’autres chercheurs ont demandé à des parents de jeunes enfants de décrire leurs récentes visites balnéaires. Leurs histoires, publiées en 2013 dans le cadre d’une étude, montrent que passer du temps avec ses proches à la plage participe à se sentir plus unis au sein d’une famille.

Les chercheurs ne sont pas vraiment sûrs de comprendre ce qui pousse les amis et la famille à créer de tels liens à la plage, mais les souvenirs liés au paysage pourraient en être la raison.

Pour les personnes qui ont grandi en construisant des châteaux de sable ou en s’amusant dans les vagues, retourner à la plage à l’âge adulte pourrait déclencher un sentiment de nostalgie et un retour en enfance tout en augmentant la réceptivité.

 

LES EFFETS SUR LE LONG TERME

Bien que passer la journée à la plage ne guérisse pas tous vos maux, Mat White remarque que cela peut avoir de petits effets durables, qui s’additionnent au cours du temps.

Par exemple, certains chercheurs étudient à présent le lien entre les moments passés sur une plage durant l’enfance et le développement d’un sentiment de connexion à la nature qui en découlerait, associé à des comportements « pro-environnement » comme le recyclage, l’économie de l’énergie, etc.

Mat White et Sabine Pahl prennent aujourd’hui part à un projet de quatre ans qui étudie les espaces verts et bleus et la façon qu’ils auraient de nous aider à mieux nous préparer face au stress, comment le gérer et s’en remettre. Ils créeraient des couches protectrices de ténacité qui grandiraient à chaque visite.

Cette recherche encore en cours revêt une grande importance pour des questions de santé publique et d’organisation de la communauté. Avec plus de données, elle pourrait servir à la protection des paysages côtiers à travers le globe.

« Cette réciprocité est très importante », déclare Catherine Kelly. « Si un espace participe à notre bien-être, alors il est de notre devoir de faire en sorte qu’il soit protégé. »

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