Côte d’Ivoire : et si nous rêvions tous de réconciliation ?

Juin 18, 2025 - 18:50
Juin 18, 2025 - 19:13
Côte d’Ivoire : et si nous rêvions tous de réconciliation ?

À quatre mois de l’élection présidentielle d’octobre 2025 en Côte d’Ivoire, l’incertitude continue d’être le partage de tous les acteurs et de tous les partis politiques ivoiriens. Les problèmes qui fâchent tardent à avoir des réponses qui puissent satisfaire tout le monde. Quand l’opposition tire à hue pour réclamer un dialogue politique, à l’effet d’avoir une élection apaisée, transparente et inclusive, le RHDP et le gouvernement, droits dans leurs bottes, tirent à dia pour opposer une fin de non-recevoir.

Côte d’Ivoire : Pour une vraie réconciliation

Les positions sont tellement inconciliables que la peur au ventre, les ivoiriens se demandent de quoi demain sera fait. Nombreux sont ceux qui estiment que la Côte d’Ivoire court inexorablement vers une crise à l’image de celles de 2010 et 2020. Mais ne désespérons pas de nos gouvernants et de tous les acteurs politiques. Gageons que la raison finira par gagner tout le monde, et qu’Armaggedon sera évitée…

En attendant, projetons-nous dans une fiction, où le dialogue politique est accepté et que tous les acteurs politiques sont unanimes pour reconnaître que la réconciliation entre filles et fils de ce pays, est d’une nécessité absolue. Et qu’il urge de trouver des réponses à tous les problèmes qui fâchent.
Dans ce cas, essayons de déterminer les pistes concevables d’axes autour desquels doivent tourner les discussions.

Quatre axes principaux pour sauver la Côte d’Ivoire

Sur le principe et en continuant dans la fiction, la réconciliation doit tourner autour de quatre axes principaux :

•⁠ ⁠Le devoir de vérité
•⁠ ⁠Le devoir de justice
•⁠ ⁠Les réparations aux victimes
•⁠ ⁠Les réformes à opérer.

À ces axes définis, il serait bienséant de désigner, de façon claire, les acteurs devant prendre part au processus afin que les contours des problèmes à évoquer, et à évacuer pour atteindre les objectifs, soient cernés de façon exhaustive.

Ainsi, outre les acteurs de la classe politique et de la société civile ivoirienne, il serait bien indiqué que l’Onu, et sa branche ivoirienne pendant la crise de 2010, l’Onuci, la France, l’Union européenne, l’Union africaine et la Cedeao soient présentes et entendues. Chacun de ces acteurs a eu à jouer à un moment donné, un rôle majeur dans la crise ivoirienne, rôle qui ne saurait être occulté, si l’objectif est de définitivement tourner la page et espérer ne plus tomber dans les mêmes travers.

•⁠ ⁠L’Onu, à travers son ancien Secrétaire Général, le coréen Ban Ki Moon, doit expliquer aux ivoiriens, en quoi le recomptage des voix était une injustice à l’égard du candidat Alassane Ouattara, au point de lui préférer (le recomptage des voix), la confrontation armée avec des milliers de morts.

•⁠ ⁠Son compatriote Choï, son représentant permanent en Côte d’Ivoire et patron de l’Onuci, devra lui aussi dire en quoi consistait la certification des élections, à l’effet d’éclairer la lanterne de tous et de comprendre réellement ce qui s’est passé.

Cette « certification » est-elle au-dessus des institutions de la République, notamment le Conseil Constitutionnel comme l’affirme sans sourciller Pr Arthur Banga ?

Ou s’agissait-il de certifier le déroulement du processus électoral, en appréciant l’organisation et le respect des standards internationaux ?

Ou encore revenait-il à M. Choi de désigner le vainqueur des élections ?

•⁠ ⁠La France qui a été à l’initiative de la résolution de l’Onu sur la Côte d’Ivoire, et qui, dès son adoption, a pris sur elle de bombarder les camps militaires et la résidence des chefs d’État de Côte d’Ivoire, se doit aussi de s’expliquer.

Ces bombardements ont fait de nombreux morts et ne sauraient être passés par pertes et profits. Elle doit en outre apporter la preuve que le président Laurent Gbagbo a utilisé des armes lourdes contre des civils, ce qui l’a motivée à être à l’initiative de la résolution de l’Onu.

Elle doit également expliquer à quoi répondait le bombardement du Chu de Cocody et d’un supermarché dans le même quartier.
Est-ce des objectifs militaires ou a-t-elle délibérément choisi d’en faire des exemples ?

•⁠ ⁠L’Union européenne doit également des explications aux ivoiriens. Elle devra expliquer le bien fondé de ses embargos sur la Côte d’Ivoire, surtout l’embargo sur les médicaments. Elle nous dira pourquoi elle n’a pas eu à faire sa propre lecture de la situation, mais s’est systématiquement alignée sur les positions de la France.

•⁠ ⁠L’Union Africaine et la Cedeao, doivent également nous expliquer leurs attitudes belliqueuses, leur propension à vouloir en découdre avec l’armée ivoirienne, pour un contentieux électoral, au moment où elles sont incapables d’envoyer des troupes combattre Boko Haram qui enlevait des lycéennes au Nigéria, ou aider le Mali à se débarrasser des djihadistes

La France, l’Onu, l’Union Européenne, l’Union Africaine et la Cedeao doivent enfin nous dire s’il leur revient de proclamer le vainqueur d’une élection en lieu place de l’institution nationale qui en est chargée.

Véritable dissonance cognitive

Au plan interne, plusieurs interrogations demeurent et doivent avoir des réponses pour faciliter la compréhension d’une situation qui est une véritable dissonance cognitive pour certaines personnes :

•⁠ ⁠Comment dans un pays démocratique, on peut proclamer un président élu à partir des résultats provisoires, donnés hors délai et en dehors de son siège par la structure en charge des élections ? Faut-il rappeler que cette structure ne donne que des résultats provisoires, et qu’en dernier ressort, c’est le Conseil Constitutionnel qui proclame les résultats définitifs et le vainqueur de ces élections ?

Sa décision est non susceptible de recours et de contestation.

•⁠ ⁠Comment a-t-on réussi l’exploit de considérer des résultats provisoires comme définitifs et contester une décision qu’on n’a pas le droit de contester ? Les démocrates doivent nous l’expliquer.

•⁠ ⁠Comment comprendre enfin, qu’un candidat à une élection présidentielle, qui n’est ni chef d’État, ni président de la République, puisse disposer d’une armée qui guerroie pour lui, sans que cette situation ne choque les démocrates auto-proclamés ?

Les réponses à toutes ces interrogations doivent nous permettre de mieux apprécier la situation, et servir de leçons pour demain.
Demain est certes un autre jour mais demain arrive toujours
Mais ce n’est … qu’une fiction…
En tout état de cause, arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.

NAZAIRE KADIA
Analyste politique