En Italie, Stanley Tucci révèle ce que la nourriture dit de nous

Juin 18, 2025 - 16:50
En Italie, Stanley Tucci révèle ce que la nourriture dit de nous

Cela fait vingt ans que la dernière série de Stanley Tucci est en préparation. Du moins, cela fait vingt ans qu’il y en a eu l’idée. Sa mission est d’attiser la curiosité, de nous ouvrir non seulement à l’Italie mais au monde par la nourriture. Stanley Tucci, cuisine à l’italienne est disponible en streaming sur Disney+, et c'est une série produite par National Geographic. On y suit l’acteur de renom lors de son exploration des traditions culinaires et de leurs complexités à travers des régions d’Italie : la Toscane, la Lombardie, le Trentin-Haut-Adige, les Abruzzes et le Latium.

À la fois lettre d’amour et plongeon cinématographique dans les connexions entre la nourriture, les gens et les paysages, cette nouvelle série voit Stanley Tucci croiser de nouveaux visages issus de tous les horizons : immigrants, chefs avant-gardistes, militants traditionnalistes et même des cowboys toscans. Pour lui, peu importe qui nous sommes et d’où nous venons, nous avons tous notre façon de vivre, de manger et d’aimer. Et cela ne devrait pas être une source de divisions.

« La politique, les idéaux, les religions, l’argent, tout cela nous déchire. Mais la nourriture fait l’inverse, elle nous rassemble », déclare l’acteur américain, immigré italien de deuxième génération. « C’est pour cela que je voulais réaliser cette série. Mais pour cela, il faut avoir les bonnes histoires et les bonnes personnes. Nous avons eu une équipe fabuleuse pour la préparation. Les spectateurs peuvent s’attendre à une exploration profonde et sincère, dans un format plus formaté. »

Avant le lancement de la série, Stanley Tucci s’est confié à National Geographic, à Londres. Il a raconté avoir goûté tous les plus grands plats d’Italie, s’est rappelé les locaux qu’il avait rencontrés et qui ont fait résonner en lui les souvenirs de sa famille italienne. 

 

Entre les chefs avant-gardistes de Lombardie et les traditionnalistes de Toscane, la série met en valeur l’évolution de la cuisine italienne et ses origines centenaires. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans tout cela ?

Que rien ne marche si l’on essaye de changer les choses rien que pour les changer. Si ça fonctionne, pourquoi y toucher ? Le résultat n’en sera jamais meilleur. Prenez par exemple Giulio Picchi à Florence [dans son restaurant Cibrèo]. Sa collaboration avec le chef japonais Masaru Kawai change tout parce qu’ils étudient en profondeur les recettes toscanes et japonaises en se demandant « Où est la fusion ? » Il en ressort des plats totalement nouveaux en utilisant des ingrédients incroyables. C’est comme une science, cela demande de l’instinct, du talent et de l’intellect pour être bien fait.

Ce que j’ai adoré chez le jeune chef Picchi, c’est que sa famille repoussait les limites de la cuisine italienne tout en respectant ses traditions, qu’il a toujours maintenues. Ce n’est pas parce qu’il a ouvert un restaurant de fusion japonaise et italienne qu’il va oublier comment faire des pasta e fagioli. Les deux cuisines ne s'excluent pas mutuellement, il y a de la place pour tout.

 

Dans chaque épisode, on vous voit partager un repas avec des locaux ou des migrants qui se sont installés en Italie. Qu’avez-vous appris sur l’esprit de communauté lors de ces réunions ?

L’Italie est un pays chaleureux mais la rhétorique contemporaine que l’on entend à présent, c’est qu’il y a trop d’immigrés et que ce n’est pas une bonne chose. Il y a certains endroits du pays qui sont plus ouverts aux immigrés que d’autres. Les Italiens sont très privés, et en même temps, regardez ce qu’ils font à Sienne durant le Palio. Chaque contrada (quartier) organise un repas pour, je dirais, 1 000 à 2 000 personnes durant deux nuits tous les ans. C’est assez incroyable et je ne sais pas si cela pourrait arriver dans tous les pays. Les Italiens sont très conviviaux, ils adorent partager.. 

Certains épisodes ont pour thème des plats liés à des souvenirs d'enfance. Avez-vous mangé quoi que ce soit, ou rencontré des personnes qui vous ont rappelé votre enfance ?

Certains arômes étaient empreints de souvenirs, oui, mais je ne pourrais pas dire s’il y avait un plat en particulier qui m’a fait ressentir cela. La cuisine de chaque famille est unique. Même lorsque que je me suis rendu en Calabre avec mes parents il y a quelques années et que nous avons mangé dans la famille du père de ma mère, on nous a servi des plats que ma mère avait l’habitude de nous servir. Mais ils n’avaient pas la même saveur. Je ne saurais pas dire pourquoi. Quelque chose avait changé, on avait perdu ou gagné quelque chose dans la recette lorsqu’ils sont arrivés aux États-Unis.

Quand j’étais dans les Abruzzes, j’ai rencontré une famille qui cuisinait le timballo avec des crêpes à la place des pâtes, et j’ai trouvé cela très intéressant. C’était l’un des plats les plus succulent que j’avais jamais mangé. Le père de la famille, la manière dont il parlait, sa gestuelle, cela me rappelait la famille de ma mère. J’avais l’impression de parler avec mon grand-père ou avec mes grands-parents qui ne parlaient qu’italien.

 

Y avait-t-il des restaurants ou des expériences qui vont ont marqué durant le tournage ?

Je suis allé dans une sandwicherie à Rome, [Circoletto], et je la recommanderais à n’importe qui. C’était délicieux. Les deux [frères Nicolo et Manuel Trecastelli] sont si intéressants et drôles. Ils sont couverts de tatouages et en même temps, ils sont incroyablement sensibles.

Je pense aussi à Trentin-Haut-Adige, le restaurant de Franz Mulser où il nous a servis sa soupe au foin. J’ai trouvé ce plat merveilleux. Et les gnocchis et knödel du Castel Fragsburg font sans aucun doute partie des plats les plus succulents que j’ai pu manger dans ma vie.

[Trentin-Haut-Adige] était un endroit vraiment intéressant parce qu’ils sont en réalité tous Autrichiens, et Italiens seulement à cause du changement de frontières sous Mussolini. J’ai rencontré une femme appartenant aux Ladins [une minorité des Dolomites qui a sa propre langue et ses traditions], Uli Ties. Ce qu’elle disait sur la présence de sa culture dans cette région depuis des milliers d’années était magnifique. Elle se fichait de ce que pouvait dire son passeport. 

Les Italiens ne diront pas habituellement « Je suis italien ». Ils diront plutôt « Je viens des Abruzzes » ou « Je suis Florentin ». C’est une vraie fierté pour eux. L’Italie n’a été unifiée qu’en 1861, avant cela, c’était un ensemble de cités-États. Cette idée de savoir qui on est disparaît aujourd’hui. Si vous savez qui vous êtes, vous accepterez d’autres personnes. C’est ce qu’il se passe dans le monde ; les personnes se trouvent des identités dans des figures aux allures de messies et elles ne savent plus qui elles sont.

 

Qu’avez-vous appris sur l’Italie ou sur vous-mêmes, et que vous ignoriez avant de tourner la série ?

On ne cesse jamais d’apprendre et de découvrir. Je n’étais jamais allé dans les Abruzzes, je ne savais rien des bouillons de poisson d’eau douce des environs de Rome. Même s’ils ne sont pas si différents des poissons de l’océan, tout est dans la manière de le préparer, leur manière de le penser, l’amour des pêcheurs. C’était fascinant. On découvre tous ces détails au cours du voyage qui vous aident à vous reconnecter à votre passé.

 

Enfin, quelle leçon est la plus importante de ce que vous avez appris en côtoyant toutes ces personnes au cours de la série ?

Tout le monde est pareil, tout le monde est différent. C’est cela, le plus important à retenir.