Eurostar face à la concurrence : une bonne nouvelle pour les voyageurs ?

Juin 18, 2025 - 12:20
Eurostar face à la concurrence : une bonne nouvelle pour les voyageurs ?

Les Européens souhaitant voyager jusqu’à la capitale britannique en train pourraient bientôt se retrouver avec bien plus d’options que jamais auparavant. Le monopole d’Eurostar sur la liaison ferroviaire entre Londres et Paris, Bruxelles et Amsterdam fait en effet face à la plus grande menace de concurrence depuis le lancement du tout premier train sous la Manche de l’opérateur franco-britannique en 1994. Avec une promesse de prix plus bas et d’options plus nombreuses, cela pourrait-il être une bonne nouvelle pour les voyageurs ?

 

QUI SONT LES NOUVEAUX OPÉRATEURS ?

Une poignée de compagnies ferroviaires se disputent l’accès à HS1, la ligne à grande vitesse qui relie Londres à Folkestone, dont Virgin Trains et la start-up espagnole Evolyn, partenaire du groupe italien FS Italiane. Tandis que, de son côté, Virgin Trains se prépare à commander une dizaine de trains à grande vitesse destinés à traverser le tunnel sous la Manche, en mars dernier, la start-up britannique Gemini Trains a annoncé avoir demandé l’obtention d’une licence d’entreprise ferroviaire ainsi que l’accès aux voies du tunnel. Tout comme Virgin Trains et FS Italiane Group/Evolyn, l’opérateur prévoit ainsi de lancer ses services à l’horizon 2029.

 

POURQUOI CETTE SOUDAINE CONCURRENCE ?

Le transport ferroviaire transmanche a connu un rebond significatif depuis la pandémie, en partie grâce au regain de popularité des vacances en train encouragé par l’augmentation des préoccupations environnementales des Européens. L’Eurostar a ainsi enregistré la meilleure année de son histoire en 2024 avec un total de 19,5 millions de passagers. Les liaisons transmanche ont également connu leurs plus fortes augmentations, avec 280 000 passagers supplémentaires pour le trajet Londres-Paris, et 250 000 pour Londres-Bruxelles.

En janvier, l’Office for Rail and Road (ORR), l’autorité de régulation du rail, a par ailleurs contraint la HS1 à réduire ses tarifs d’utilisation de la voie ferrée qui relie Londres au tunnel sous la Manche dans l’objectif d’attirer davantage d’opérateurs sur cette ligne. Autant de facteurs qui rendent la perspective d’une augmentation des offres de transports transmanche pour le moins attrayante. « La ligne à grande vitesse qui relie Londres au continent par le tunnel sous la Manche est l’une des plus grandes routes ferroviaires », affirme Adrian Quine, directeur général de Gemini Trains.

 

UNE TELLE EXPANSION EST-ELLE FAISABLE ?

London St Pancras Highspeed (LSPH), la société responsable de la gare de Londres et de la voie à grande vitesse vers Folkestone, a élaboré des plans visant à tripler la capacité de la gare, encore célèbre pour être trop souvent engorgée. Ce projet lui permettrait d’agrandir la zone des départs internationaux et d’accueillir jusqu’à 5 000 passagers par heure, contre 1 800 actuellement.

En février, LSPH et Getlink, l’opérateur français du tunnel sous la Manche, ont décidé de collaborer pour « développer la connectivité ferroviaire internationale entre le Royaume-Uni et l’Europe ». Getlink a également mis en avant la largeur des tunnels qui, selon elle, seraient suffisamment grands pour accueillir davantage de trains. Fin 2023, ses concepteurs prévoyaient que le trafic du tunnel doublerait au cours des dix années à venir.

QUELLES CONSÉQUENCES POUR LES VOYAGEURS ?

Les voyageurs se retrouveraient tout d’abord avec un plus grand choix de destinations, mais aussi, du fait de la concurrence accrue, avec des tarifs plus avantageux. Getlink espère lancer des trajets directs vers Francfort, Cologne, Genève et Zurich. À terme, ceux-ci pourraient même s’étendre jusqu’à Milan.

Yann Leriche, directeur général de Getlink, a déclaré : « Nous souhaitons proposer des options attrayantes en matière de [voyages] bas carbone grâce à de nouvelles destinations en Allemagne, en Suisse et en France. »

Certains ministres ont également suggéré que la concurrence sur la ligne permettrait de « faire baisser les prix », en rappelant notamment les effets de l’arrivée de la concurrence sur la ligne britannique East Coast Main Line, qui a entraîné une diminution des tarifs et une augmentation du nombre de passagers.

 

QUELS SONT LES OBSTACLES À FRANCHIR ?

Tout nouvel opérateur devra commencer par demander l’autorisation d’opérer des deux côtés de la Manche, un processus bien plus complexe administrativement depuis le Brexit. Eurostar craint également que l’arrivée de ces nouveaux concurrents ne viennent entraver son projet de transporter 30 millions de passagers d’ici 2030. Une querelle a même éclaté au sujet de l’accès au seul dépôt de maintenance ferroviaire britannique sur la ligne à grande vitesse, qui, selon Eurostar, serait déjà à pleine capacité.

En mars, l’ORR a cependant déclaré que deux des huit voies de maintenance du dépôt étaient sous-utilisées et pouvaient donc tout à fait être attribuées aux opérateurs rivaux. Eurostar a rejeté les conclusions du rapport du régulateur, indiquant que « si les options présentées dans ce dernier permettraient en effet d’apporter une certaine capacité supplémentaire, elles ne suffiraient pas à satisfaire les ambitions déclarées par les autres opérateurs. »

Reste désormais à voir si ces obstacles pourront être surmontés par les opérateurs et les régulateurs. Il faudra toutefois faire preuve de patience.