Seconde Guerre mondiale : ces femmes pilotes ont contribué à défaire Hitler

Juin 19, 2025 - 07:50
Seconde Guerre mondiale : ces femmes pilotes ont contribué à défaire Hitler

Durant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis interdirent aux femmes pilotes d’intégrer les forces armées, mais cela n’arrêta pas vingt-cinq jeunes vaillantes pionnières. En 1942, elles s’enfuirent en Grande-Bretagne afin de devenir les premières Américaines à piloter des avions militaires.

Ces aviatrices sont pour la plupart tombées dans l'oubli. Pendant la guerre, cependant, elles bouleversèrent les codes partout où elles atterrissaient, faisant la une des journaux comme le New York Herald Tribune. Il était dit de ces avant-gardistes qu’elles « pilotaient 121 types d’avions, dormaient où elles atterrissaient, trouvaient l’amour et connaissaient la tragédie ».

Il n’est guère étonnant qu’elles fussent objet d'une réelle fascination. Nobles, glamour et audacieuses, elles constituaient un échantillon de la féminité américaine, des pilotes d’avions épandeurs aux débutantes, en passant par les étudiantes jusqu’aux artistes de cirque volant. La célèbre aviatrice Jacqueline Cochran était la plus connue d’entre elles, ayant grandi dans la pauvreté avant de devenir magnat millionnaire du secteur des cosmétiques, de remporter des courses aériennes à travers le pays et de pulvériser des records de vitesse. C’est elle qui lança l’aventure en invitant les autres à la rejoindre pour traverser l’océan Atlantique.

La Grande-Bretagne, sous le feu des attaques aériennes incessantes de l’Allemagne, était suffisamment désespérée pour accepter un mélange de pilotes, y compris venant de l’étranger et, disons-le, même des femmes. Celles qui furent retenues accomplirent l’une des missions les plus dangereuses de la guerre au sein d’une unité appelée Air Transport Auxiliary (ATA). Un pilote sur sept connut la mort au cours de celle-ci, qui consistait à livrer jusqu’à 147 modèles différents d’avions de chasse et de bombardiers relativement peu testés depuis les usines jusqu’aux aérodromes de la Royal Air Force (RAF) situés en première ligne, puis à faire demi-tour et à ramener les épaves criblées de balles pour réparation. Avant d’être hauts dans le ciel, ils ne savaient que peu de choses quant à ce qui pouvait survenir. Beaucoup de pilotes s’écrasèrent ou bien effectuèrent des sauvetages spectaculaires.

Loin de chez elles, ces Américaines émancipées et libres penseuses firent leurs preuves dans les airs, pilotant les avions les plus modernes du monde en ce temps-là, et ce, dans toutes les conditions. Au sol, elles se réinventèrent à leur guise, défiant les standards de l’époque relatifs aux femmes et choquant souvent leurs hôtes britanniques avec leur comportement résolument moderne.

 

MONDAINES ET FOLLES DE VITESSE

Dorothy Furey, vingt-trois ans, était d’une beauté époustouflante et déterminée à triompher de son modeste milieu, ainsi que de son niveau d’études peu élevé. En Angleterre, elle se faisait passer pour une sorte d’aristocrate américaine en se comportant de manière impérieuse et en recyclant une robe de soirée rouge. Insensible aux scandales, elle entretint une liaison adultère avec un lord britannique. Elle finit par l’épouser et devint comtesse.

Virginia Farr, quant à elle, également âgée de vingt-trois ans, était connue dans sa ville natale comme « la mondaine volante ». Sa famille aisée souhaitait la marier à un homme de bonne famille mais elle saisit l’occasion de servir en Grande-Bretagne pour échapper à cette prison dorée. Grâce à sa discipline et à ses nerfs d’acier, elle obtint en un rien de temps les missions les plus ardues dans des avant-postes difficiles. Du point de vue privé, elle tomba amoureuse d’une femme.

Dans les airs, la rivale de Virginia Farr était Winnabelle ’Winnie’ Pierce, une jeune femme de vingt-cinq ans qui aimait les sensations fortes et prenait plaisir à enfreindre les règles. Dès son arrivée, les Britanniques levèrent les yeux au ciel devant cette fêtarde dotée d’une sacrée descente. Peu après son entrée en service, néanmoins, tout l’aérodrome assista avec effroi à la panne moteur de son Hawker Hurricane flambant neuf, tout juste après le décollage.

Tout le monde savait qu’il s’agissait là d’une des situations les plus périlleuses auxquelles il était possible d’être confronté aux commandes d’un appareil. Le chasseur volait trop bas pour que Winnie ait le temps de trouver un champ où il lui serait possible de faire atterrir l’avion en toute sécurité. Le protocole exigeait qu’elle continue tout droit et s’écrase sur des bâtiments car toute autre option était encore plus susceptible d’être fatale. Essayer de faire demi-tour vers l’aéroport était une manœuvre connue sous le nom de « virage impossible » car rares étaient les pilotes capables de la réaliser.

En un battement de paupière, Winnie décida de braver la procédure. Elle surmonta le choc, les mains tremblantes, et fit pivoter l’avion, qui oscilla avant de se stabiliser et de toucher terre sans embardée. Soudain, elle fut traitée avec un respect nouveau. « Toutes ces sornettes sur le "beau spectacle" », écrivit-elle dans son journal.

Hazel Jane Raines, ancienne voltigeuse de vingt-cinq ans qui participait à des spectacles aériens en Géorgie, démontra également son courage lorsque le moteur d’un Supermarine Spitfire tomba en panne alors qu’elle pénétrait dans un banc de nuages. Le voile blanc l’empêchait de distinguer la gauche de la droite et le haut du bas. Elle entra dans une vrille mortelle qui aurait pu faire s’écraser l’avion de chasse directement au sol. Toutefois, lorsqu’elle sortit enfin du brouillard, elle se servit de ses compétences en voltige aérienne pour redresser l’avion à temps et sauver sa vie. Sur terre, elle se lia d’amitié avec la riche et puissante Lady Astor, qui désirait qu’elle épouse l’un de ses fils, mais l’ancienne voltigeuse refusa. Hazel Jane Raines persistait : « Le ciel restera mon foyer tant qu’il y aura une place pour moi là-haut. »

 

DES PILOTES EN AVANCE SUR LEUR TEMPS

Les femmes se battirent pour piloter les avions les plus gros, les plus rapides et les plus effrayants, dans l’espoir de pouvoir faire carrière dans l’aviation après la guerre. Jacqueline Cochran rentra chez elle au début de l’automne 1942 pour aider au lancement du Women Airforce Service Pilots (WASP). Elles livrèrent des avions aux États-Unis en s’inspirant du succès des femmes en Grande-Bretagne. Après la guerre, Jacqueline Cochran jalonna d’autres étapes importantes de l’histoire de l’aviation, devenant la première femme à franchir le mur du son.

Pour d’autres, les temps furent difficiles lorsque la guerre toucha à sa fin. Les compagnies aériennes n’embauchaient pas de femmes pilotes mais certaines trouvèrent d’autres emplois dans l’aviation. Diplômée d’université, Ann Wood passait son temps libre à Londres, à nouer des relations avec des diplomates, des généraux, des journalistes et des espions susceptibles de l’aider dans sa carrière. Après la guerre, elle dut choisir entre épouser l’homme qu’elle aimait et poursuivre cette dernière avec sérieux. Elle finit par décrocher un poste chez Pan American World Airways, devenant la première femme vice-présidente d’une compagnie aérienne américaine.

Nancy Jane Miller, qui est aujourd’hui la dernière aviatrice encore en vie à l’âge de cent-six ans, devint la deuxième femme américaine à obtenir une licence de pilote d’hélicoptère professionnel. Elle et son mari fondèrent la première compagnie proposant l’affrètement d’hélicoptères en Alaska.

À l’âge de dix-neuf ans, Mary Estelle Zerbel était la plus jeune femme instructrice de vol aux États-Unis. À son retour d’Angleterre, elle livrait dans des endroits dangereux à travers le monde des avions en surplus présentant des risques. Sa carrière fut si spectaculaire que Lana Turner interpréta dans le film Madame et son pilote un personnage inspiré de sa vie. Pourtant, lorsque Mary Estelle Zerbel mourut en 2012, sa nécrologie ne comptait que trois phrases dans un journal de l’Idaho, sans mention aucune de sa carrière de pilote. Peu de ses collègues furent également l’objet d’attention.

Malgré les services rendus par ces femmes pilotes en avance sur leur temps, celles-ci furent pratiquement oubliées lorsque le monde agité reprit son cours après la guerre. Puisqu’elles n’étaient pas autorisées à servir dans l’armée des États-Unis, elles furent exclues des commémorations et évincées de l’histoire elle-même. En cette année du quatre-vingtième anniversaire du 8 mai, date qui marqua la fin de la guerre en 1945, il est désormais temps que ces Spitfires obtiennent la reconnaissance qu’elles méritent.