Une comète interstellaire a été aperçue depuis Mars
Depuis la première observation en juillet de l’objet interstellaire 3I/ATLAS, le troisième de la sorte à avoir été repéré, les astronomes du monde entier suivent son chemin avec avidité. D'une lointaine boule de glace, ils l’ont ainsi vu devenir un corps à forte brillance alors qu’il plongeait vers le Soleil.
Mais depuis plus d’un mois, la NASA s’est abstenue de commenter ou de partager des images de l’objet interstellaire. En cause, le plus long arrêt des activités gouvernementales de l'histoire des États-Unis. Ce silence a été comblé par des théories sans fondement, et souvent farfelues, à propos de la nature de l’objet, à la fois par des célébrités et des complotistes. Parmi ces derniers, beaucoup spéculaient, sans preuve, qu’il s'agissait d'un vaisseau extraterrestre.
Maintenant que les activités ont repris, l’agence spatiale a finalement été en mesure de partager ses derniers clichés de ce voyageur glacé au cours d’une conférence de presse la semaine passée. Ce qu’on doit retenir, c’est que ce n’est pas une technologie alien.
« À nos yeux, l’Univers est un lieu magique », a déclaré Amit Kshatriya, administrateur associé de la NASA, au cours de la conférence de presse. « Nous souhaitons plus que tout déceler des signes de vie dans l’Univers. » Mais « 3I/ATLAS est une comète », a-t-il ajouté.
Toujours est-il que 3I/ATLAS est quelque peu étrange et reste une occasion extraordinairement rare d’étudier les vestiges d’un coin très ancien de la galaxie.
« Nous commençons tout juste à découvrir ces types d’objets et à comprendre quelles questions nous devons nous poser à leur sujet », est intervenu Tom Statler, scientifique en chef des petits corps du système solaire au QG de la NASA, lors de la conférence de presse. 3I/ATLAS, a-t-il dit, « est une nouvelle fenêtre qui s’ouvre sur la formation et l’histoire d’autres systèmes solaires ».
3I/ATLAS APERÇUE DEPUIS MARS
Plusieurs semaines avant que la comète interstellaire n’entreprenne de s'approcher au plus près du Soleil - ce qu'elle a finalement fait le 30 octobre - elle est passée à près de 30 millions de kilomètres de Mars. À l’échelle cosmique, c’est ridiculement proche. Elle se trouvait dans le champ de vision de robots spatiaux qui n’avaient pas été initialement programmés pour explorer les confins stellaires. Parmi eux, on comptait la sonde Mars Reconnaissance Orbiter (MRO), chargée d’une mission photographique détaillée de la planète rouge ; la sonde Mars Atmosphere and Volatile EvolutioN (MAVEN), responsable de l’analyse de la haute atmosphère de Mars ; et le rover Persévérance, qui explore la surface martienne à la recherche de preuves d’une forme de vie passée.
Perservance a tourné son regard vers le ciel et a aperçu la comète, un point flou sur l’un de ses appareils photo ; un accomplissement certes inhabituel, mais qui n’aide pas particulièrement les scientifiques. MAVEN, en orbite autour de Mars, a rencontré plus de succès. En se servant d’un filtre ultraviolet, la sonde a documenté la nature floconneuse de la chevelure de la comète, une atmosphère poussiéreuse maintenue par la vaporisation d’une matière glacée.
« Toutes ces observations sont très, très difficiles », explique Tom Statler.
Les scientifiques espèrent exploiter les données de MAVEN afin de mieux comprendre la composition de 3I/ATLAS. Elle pourrait, à son tour, donner des indices sur ses origines. La sonde est capable de prendre des clichés dans le spectre ultraviolet, ce qui peut aider l’identification des molécules expulsées par la comète. « Les images que MAVEN nous a transmises sont tout bonnement incroyables », a déclaré Shannon Curry, responsable principale de MAVEN à l’université du Colorado.
Pendant ce temps, un appareil de haute résolution embarqué sur MRO a pris un cliché monochrome troublant de la comète, sur lequel on apercevait sa chevelure étendue et la nature de la traînée.
L’agence spatiale européenne, l’ESA, n’étant pas concernée par l’arrêt des activités aux États-Unis, a pu partager ses propres clichés de 3I/ATLAS en octobre. Une série d’images capturées par la sonde spatiale ExoMars Trace Gas Orbiter, qui montrent la comète traversant tranquillement le ciel nocturne.
L’objet était encore trop flou pour pouvoir en apprendre plus sur sa composition, le Trace Gas Orbiter est parvenu à suivre 3I/ATLAS pendant près d’une semaine. Cela a permis aux astronomes de déterminer sa trajectoire à travers le système solaire, avec une précision sans précédent. Ils peuvent maintenant plus facilement pointer leurs télescopes dans la bonne direction pour pouvoir suivre la comète.
DES ESPIONS SPATIAUX OBSERVENT 3I/ATLAS
La NASA a également plusieurs missions inhabitées en activité qui traversent le système solaire. Et deux d’entre elles ont pu jeter un regard en arrière et discerner 3I/ATLAS, à peine un point lumineux. Psyche, en chemin vers un astéroïde métallique, et Lucy, qui orbite autour de plusieurs astéroïdes à proximité de Jupiter, ont espionné la comète en septembre. Cela a permis aux scientifiques de préciser la trajectoire empruntée par l’objet.
Le chemin emprunté par l’objet l’a fait rencontrer le Soleil à un angle étrange, ce qui constituait un problème majeur pour les astronomes. Du référentiel terrestre, 3I/ATLAS était derrière notre étoile, elle nous était cachée au moment où elle atteignait naturellement son point le plus effervescent.
Fort heureusement, trois missions spatiales de l’espace profond, pensées pour étudier le Soleil lui-même, sont parvenues à suivre 3I/ATLAS alors que l’objet passait derrière la boule de feu. Ces missions étaient la sonde PUNCH (Polarimeter to Unify the Corona and Heliosphere) de la NASA, la mission STEREO (Solar Terrestrial Relations Observatory) de la NASA et la mission SOHO (Solar and Heliospheric Observatory), opération menée conjointement par l’ESA et la NASA.
Bien que la comète soit lumineuse, le Soleil l’est encore plus, et certains scientifiques s’inquiétaient que ces vaisseaux ne parviennent pas à discerner 3I/ATLAS. Mais sa plongée derrière le Soleil a vaporisé une quantité inimaginable de glace, à tel point qu’elle apparaissait comme un feu d’artifice trouble.
3I/ATLAS continue à présent sa route pour quitter notre système solaire, mais il reste encore suffisamment de temps pour que les astronomes l’étudient au cours de son exode.
Le tout dernier observatoire qui sera en mesure de l’observer sera le télescope spatial James Webb. « J’ai vraiment hâte de la suivre jusqu’à la toute fin », confie Nicky Fox, directrice associée du directorat des missions scientifiques de la NASA.