Avec Road Vision, Eran Moas lutte contre la paralysie des routes en saison des pluies
En Afrique centrale, la pluie n’est pas un simple phénomène météorologique, c’est une force qui bouleverse les routes, ralentit les échanges et éprouve le quotidien des populations. Sur le tronçon Kumba-Ekondo Titi, dans le sud-ouest du Cameroun, les précipitations atteignent jusqu’à 8 000 mm par an, un record continental. Ce corridor longtemps englouti sous les eaux illustre comment une ingénierie adaptée, portée par Eran Moas, fondateur de Road Vision, peut transformer une contrainte climatique en levier de développement durable.
Quand la pluie met les routes africaines à l’épreuve
Chaque année, les pluies diluviennes mettent les routes africaines à rude épreuve. Dans de nombreuses régions, les trajets quotidiens se transforment en parcours d’obstacles, rythmés par les inondations, les affaissements et les coupures d’axes. Selon la Banque africaine de développement (BAD, 2024), plus de 70 % des infrastructures prévues pour 2075 n’existent pas encore. Un constat alarmant, qui rend indispensable l’intégration de la résilience climatique dès la conception des ouvrages, avant même que les routes ne soient tracées.
Le Cameroun, à la croisée de l’Afrique centrale et de l’Ouest, connaît un climat tropical marqué par une longue saison des pluies, d’avril à octobre. Dans le sud du pays, les précipitations peuvent atteindre des niveaux exceptionnels, rendant certaines routes souvent impraticables pendant plusieurs mois. Chaque année, la pluie met ainsi à l’épreuve la solidité des infrastructures et la continuité des échanges, rappelant que le climat est ici un acteur à part entière du développement
L’impact des pluies intenses sur les infrastructures est profond et cumulatif. L’eau pénètre les couches du revêtement, déstructure la chaussée et provoque des affaissements et des ruptures d’accotement. Les conséquences dépassent le domaine technique. Une étude publiée dans Frontiers in Environmental Science montre que les routes endommagées après inondation entraînent une baisse durable de l’accès aux services de santé et à l’éducation. Dans le sud-ouest camerounais, chaque effondrement de route isole des milliers de familles, retarde la livraison des produits agricoles et freine la croissance des petits marchés locaux.
La Banque africaine de développement souligne que la prise en compte du climat ne peut plus être une option, mais une exigence de conception. Les modèles basés sur les précipitations du siècle passé ne suffisent plus à garantir la durabilité des infrastructures, face à des pluies désormais plus intenses et imprévisibles.
Kumba-Ekondo Titi : quand la route résiste à la pluie
C’est précisément dans ce contexte que Road Vision, société d’ingénierie fondée par Eran Moas, s’est attaquée à l’un des tronçons les plus hostiles du pays : Kumba-Ekondo Titi, entre montagnes et forêts équatoriales.
Ici, les précipitations record ont longtemps rendu tout chantier impossible. Pourtant, l’entreprise a livré 50 % des travaux avec plusieurs semaines d’avance, en pleine saison humide. Une prouesse rendue possible par une approche intégrée : stabilisation des sols par géocellules, drainage renforcé et matériaux locaux adaptés pour maîtriser les eaux de ruissellement.
Cette technologie, testée dans les mangroves de Douala, permet de construire sur des terrains instables tout en protégeant les écosystèmes. À Ekondo Titi, elle a transformé une route de boue en axe vital, praticable toute l’année. Désormais, les camions de cacao et de bois circulent sans interruption, et les écoles restent accessibles, même après les orages.
Mais pour Eran Moas, la durabilité ne se limite pas à la technique. « Nous devons bâtir des routes qui résistent au climat, mais aussi qui forment des gens capables de les entretenir », confie-t-il. Aujourd’hui, 95 % du personnel de Road Vision est camerounais, des ingénieurs aux conducteurs de travaux. Cette politique de formation continue s’inscrit dans une logique de souveraineté technique : bâtir des infrastructures africaines, par et pour les Africains.
L’impact est tangible. Là où les pluies rendaient la route impraticable pendant des mois, la circulation reste fluide. Les marchés des localités situées entre Kumba et Ekondo Titi sont à nouveau approvisionnés. Les habitants ne parlent plus d’isolement, mais de connexion.
Le projet dépasse la simple réalisation d’un chantier routier. Il illustre une démarche d’adaptation aux réalités climatiques, dans un contexte où la résilience devient un pilier central de la planification infrastructurelle africaine.
À Ekondo Titi, la route a été conçue pour résister aux fortes pluies grâce à une ingénierie adaptée, une main-d’œuvre locale qualifiée et le respect des écosystèmes. Une approche en adéquation avec la vision de la Banque africaine de développement, pour qui la prise en compte du climat est un levier essentiel de durabilité et de stabilité économique.