Santé : vers de nouvelles thérapies poussant les cellules cancéreuses à s’autodétruire

Nov 13, 2025 - 14:00
Santé : vers de nouvelles thérapies poussant les cellules cancéreuses à s’autodétruire

Les scientifiques ont découvert une nouvelle cible pour ralentir la propagation d'un cancer : une protéine qui peut être manipulée pour pousser les cellules cancéreuses à s'autodétruire.

Deux nouveaux articles publiés dans la revue Nature nous montrent que les chercheurs s'intéressent à une protéine appelée ferroptosis suppressor protein 1 (FSP1, protéine suppresseur de ferroptose), une enzyme qui assure l'une des défenses les plus puissantes de notre organisme contre un type spécifique de mort cellulaire qui détruit les cellules de l'intérieur. Désarmer cette enzyme augmente donc la probabilité de destruction des cellules et en la désarmant dans les cellules cancéreuses, cela pourrait empêcher les tumeurs de croître aussi rapidement.

Les équipes de chercheurs, l'une rattachée à l'université Harvard et l'autre à l'université de New York, ont toutes deux constaté qu'en bloquant FSP1 dans les ganglions lymphatiques et les tumeurs des poumons chez des souris vivantes atteintes de cancer, les tumeurs se développaient à un rythme nettement inférieur à celles des souris témoins.

Comprendre comment déclencher ce processus d'autodestruction, appelé ferroptose, dans les cellules cancéreuses est une piste qui, selon les chercheurs, pourrait mener au développement de nouveaux traitements contre le cancer. 

« En intervenant à un stade précoce, on pourrait avoir une chance d'empêcher le cancer de se propager en dehors du site initial de la tumeur », indique Jessalyn Ubellacker, professeure adjointe de métabolisme moléculaire à l'université Harvard et auteure principale de l'article de la même université. La tumeur primitive du cancer est moins dangereuse et bien plus facile à traiter que lorsqu'elle se propage à d'autres organes vitaux.

Selon Adil Daud, directeur de la recherche clinique sur le mélanome à l'université d'État de Californie à San Francisco, l'étude de l'université Harvard « apporte de solides arguments » en faveur de l'inhibition de FSP1 dans des contextes spécifiques, notamment celui des ganglions lymphatiques. En revanche, l'Homme et la souris ne développent pas un cancer de la même façon. « Nous ne savons donc pas si ce mécanisme serait efficace ou même valide chez les humains », souligne Daud, non impliqué dans les études en question. 

Voici toutefois ce que ce nous savons.

 

COMMENT FONCTIONNE FSP1

Auparavant, les chercheurs en oncologie s'étaient intéressés à la mort cellulaire en inhibant une autre enzyme, appelée glutathion peroxydase 4 (GPX4). Diverses enzymes collaborent pour protéger la cellule de la dégradation, mais on pensait à l'époque que GPX4 était la « gardienne » de la cellule, sa ligne de défense la plus robuste.

Néanmoins, une précédente étude menée par Ubellacker a montré que dans le cas d'un cancer de la peau agressif, le mélanome, qui présente des métastases dans les ganglions lymphatiques, l'inhibition de GPX4 ne suffisait pas à tuer le mélanome.

Il s'avère que l'enzyme FSP1 joue un rôle plus important dans la protection des cellules. « L'environnement des ganglions lymphatiques est un milieu confortable et accueillant pour les cellules du mélanome », indique Ubellacker. 

Dans la nouvelle étude, Ubellacker et son équipe ont choisi de bloquer FSP1 au lieu de GPX4, en injectant des inhibiteurs dans les tumeurs des souris pendant deux semaines. Par rapport aux souris recevant le traitement témoin, les tumeurs des souris recevant les inhibiteurs de FSP1 étaient en moyenne 35 % plus petites en volume.

Les deux études récentes figurent parmi les premières à mettre à l'épreuve ce type de traitement chez des souris vivantes atteintes de cancer, ce qui représente « un grand pas en avant », indique Ubellacker.

 

LE CAS DU CANCER DU POUMON 

Dans le même temps, les chercheurs du laboratoire Papagiannakopoulos de l'université de New York se sont lancés dans une étude similaire visant à évaluer les inhibiteurs de FSP1 chez des souris génétiquement modifiées atteintes d'un cancer du poumon.

Tout comme l'étude de l'université Harvard, les chercheurs ont découvert que l'inhibition de FSP1 ralentissait la croissance de la tumeur. Après environ trois semaines, le volume tumoral moyen des souris témoins dépassait les 750 mm3, alors que le volume tumoral moyen des souris ayant reçu l'inhibiteur de FSP1 était inférieur à 500 mm3. En outre, les souris soumises à l'inhibition de FSP1 ont vécu quelques jours de plus que les souris témoins.

« C'est une différence modeste », indique Daud. Cela suggère « qu'il y a d'autres voies à l'œuvre ici, mais aussi que FSP1 en est bien une. » 

Les chercheurs ont également constaté que la désactivation de FSP1 fonctionnait pour plusieurs types de cancers des poumons, un point qui impressionne particulièrement Daud. Les traitements actuels sont souvent dirigés contre une mutation spécifique du cancer des poumons, mais les inhibiteurs de FSP1 pourraient offrir un traitement plus général.

À l'instar des chercheurs de Harvard, l'équipe du laboratoire PapaG a montré de manière indépendante que FSP1 était une voie importante pour empêcher la mort cellulaire. Ils ont examiné des données cliniques de patients humains et découvert que l'enzyme était présente en plus grande quantité à mesure que le cancer progressait. Plus le taux de FSP1 était élevé chez un patient, moins sa survie était bonne, ce qui pourrait suggérer que FSP1 permet aux cellules cancéreuses de survivre.

« J'étais ravie d'apprendre qu'un autre groupe avait fait des découvertes complémentaires dans un modèle différent », déclare Ubellacker à propos des résultats du laboratoire PapaG. Bien que le domaine de recherche soit encore nouveau, les deux articles apportent ensemble des preuves convaincantes du potentiel des traitements ciblant FSP1.

 

ET LA SUITE ?

Ces nouvelles études ne sont qu'une première étape. « Pour passer à l'étape suivante, nous devons comprendre quelles tumeurs et quels contextes bénéficieront le plus du traitement par ces inhibiteurs », explique Ubellacker. Nous devons explorer les autres types de tumeurs qui pourraient en bénéficier.

Les inhibiteurs de FSP1 pourraient également offrir une option plus sûre que les inhibiteurs de GPX4 évalués par le passé. Les traitements existants ciblant GPX4 présentent une toxicité importante et la perte de GPX4 est toxique pour les lymphocytes T, les globules blancs impliqués dans la lutte contre les infections et les cancers, ce qui pourrait nuire aux tentatives du système immunitaire de combattre le cancer, comme l'explique l'étude sur le cancer du poumon.

« Je garde bon espoir et je pense que cela finira par se traduire en véritable bienfait thérapeutique », conclut Ubellacker.