Bénin : poursuites contre un ex-ministre, ce que dit la loi

Juin 28, 2025 - 08:40
Bénin : poursuites contre un ex-ministre, ce que dit la loi
Bénin : poursuites contre un ex-ministre, ce que dit la loi

Au Bénin, l’ancien ministre Paulin Akponna est convoqué par la justice après son limogeage. Il est convoqué suite à une plainte de son prédécesseur qui se plaint de diffamation et d’atteinte à sa réputation. Dans cet article, on vous explique ce que prévoit la législation béninoise en matière de poursuites engagées contre un ministre en exercice ou un ancien ministre.

Bénin : l’ex-ministre Paulin Akponna convoqué par la justice

Accusé d’avoir tenu des propos diffamatoires contre l’ancien ministre de l’Énergie, de l’eau et des mines, Samou Seidou Adambi qu’il a remplacé, Paulin Akponna devra s’expliquer devant la justice. Le plaignant estime avoir été victime de propos non fondés susceptibles d’atteindre à sa réputation. La citation directe lui a été notifiée le vendredi 27 juin 2025, et depuis lors des questions subsistent au sein de l’opinion.

Un tribunal de droit commun peut-il convoquer directement un ancien ministre béninois ? Que fait-on de son immunité ? Pour répondre à ses questions, une autre question s’impose. Les faits pour lesquels Paulin Akponna pourrait être poursuivi ont été commis dans quel contexte ?

Les propos incriminés du désormais ancien ministre de l’eau ont été tenus lors d’un meeting politique. Or l’article 136 de la Constitution du Bénin, repris par la loi organique de la Haute cour de justice indique que : « la Haute cour de justice est compétente pour juger le Président de la République et les membres du gouvernement à raison de faits qualifié de haute trahison, d’outrage à l’Assemblée nationale, ou d’atteinte à l’honneur et à la probité et d’infraction commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ».

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Si on était donc dans l’un de ces cas de figure, ce n’est pas le tribunal d’Abomey-Calavi qui se chargerait de la plainte de Samou Seidou Adambi qui accuse Akponna de diffamation. En effet, l’ancien ministre Paulin Akponna était épinglé pour « haute trahison, outrage à l’Assemblée nationale, atteinte à l’honneur et à la probité ou des infractions commises dans l’exercice de ses fonctions de ministre », c’est l’Assemblée nationale qui aurait d’abord décidé de son sort en le dépossédant de son immunité.

L’article 137 de la Constitution stipule que « la décision de poursuite puis la mise en accusation du Président de la République et des membres du Gouvernement est votée à la majorité des deux tiers des députés composant l’Assemblée nationale, selon la procédure prévue par le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ». Lors que la justice est autorisée à engager les poursuites, l’instruction du dossier est menée par les magistrats de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel ayant juridiction sur le lieu du siège de l’Assemblée nationale.

Nuance au niveau de l’article 136

Une lecture globale des articles 136 et 137 donne l’impression que le Président de la République et les membres du gouvernement sont surprotégés et échappent aux actions des tribunaux ordinaires. Ce n’est pas totalement le cas. L’article 136 apporte la nuance dans l’un de ses alinéas : « Les juridictions de droit commun restent compétentes pour les infractions perpétrées en dehors de l’exercice de leurs fonctions et dont ils sont pénalement responsables ». Et c’est visiblement dans ce cas que se retrouve Paulin Akponna.

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Il a tenu ses propos lors d’un meeting ou avec des insignes du parti politique dont il est membre. Dans ses déclarations, il a accusé sans le nommer son prédécesseur Samou Seidou Adambi d’avoir siphonné des dizaines de milliards de francs CFA. Selon lui, c’est la mauvaise gestion des fonds alloués par le gouvernement qui serait à la base du manque d’eau et d’électricité dans cet arrondissement de la ville de Parakou où il tenait son meeting.

Après autant de mobilisation de ressources par le gouvernement du président Patrice Talon au profit du ministère de l’Énergie, de 2016 à ce jour, je crois que nous avons affaire à des siphonneurs du budget national portant sur des dizaines de milliards. Ces siphonneurs en divagation devront tôt ou tard répondre de leur gestion et cela ne saurait tarder… Délinquant de la République, politicien véreux sans foi ni loi, commerçant politique avec des ambitions démesurées. Paulin Akponna

Selon le porte-parole du gouvernement, Paulin Akponna n’a jamais tenu informé le président Patrice Talon ou le gouvernement des faits de détournement dont il a parlé à Parakou. Wilfried Léandre Houngbédji ne serait d’ailleurs pas surpris si la justice invitait le concerné à donner plus de détails sur le dossier.

Au Bénin, la Haute cour de justice toujours en quête d’un premier « client »

Vingt-cinq ans après sa mise en service au Bénin, cette juridiction de haut niveau n’a jamais pu faire le travail pour lequel elle existe. Compétente pour juger le président de la République et les ministres pour les infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, la Haute cour de justice n’a jamais encore conduit une procédure contre un président de la République, encore moins contre un membre du gouvernement. 

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À un moment donné, elle était même classée au rang des institutions budgétaires. Mais cette inactivité n’est pas du fait des responsables de ladite institution. Lors d’un séminaire à Grand Ppopo en 2024, la présidente de la Haute cour de justice, Dandi Gnamou, a expliqué que la procédure sur laquelle se basent les actions de l’institution est complexe et entrave sa mission. Les acteurs travaillent à des mécanismes pour apporter des réformes pouvant replacer la Haute cour de justice dans son rôle.