Caféine : voici ce que les spécialistes veulent vraiment que vous sachiez
La caféine est la drogue la plus populaire aux États-Unis, et de loin. Une enquête publiée en 2025 dans la revue Food and Toxicology a révélé que 70 % des Américains environ consomment au moins une boisson caféinée par jour.
Mais la caféine ne se cantonne plus à la tasse de café. Celle-ci est disponible sous la forme de gels, de poudres, de gommes ou encore de sachets à placer sous la langue ; il existe même du bœuf séché caféiné. Jamais il n’y a eu autant de diversité dans les modes d’administration et dans les saveurs à disposition des consommateurs de caféine.
L’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) préconise de ne pas consommer plus de 400 mg de caféine par jour. Une tasse de café filtre de 24 cl environ contient généralement à peu près 95 mg de caféine, tandis que beaucoup de boissons énergisantes populaires en contiennent 100 à 200 mg pour un volume de 35 cl. En portions individuelles, ces doses ne représentent pas de danger pour la plupart des personnes, mais les problèmes commencent souvent lorsque l’on se met à surconsommer.
Si la caféine comporte bel et bien un certain nombre de bienfaits pour la santé, elle peut rapidement donner lieu à des effets secondaires lorsqu’on la prend à hautes doses. Voici ce qu’il faut savoir sur les avantages et les inconvénients de ce stimulant et découvrez qui devrait faire particulièrement attention à sa consommation.
CE QUI SE PASSE DANS L’ORGANISME LORSQUE L’ON CONSOMME DE LA CAFÉINE
La caféine est un composé naturellement présent dans le café, le thé et le maté et est l’ingrédient actif de milliers de compléments et de boissons énergisantes consommés avant un entraînement.
Lorsqu’on la consomme, la caféine bloque l’absorption de l’adénosine dans le cerveau. Ce composé s’accumule en période d’éveil et joue plusieurs rôles dans l’organisme. Quand l’adénosine s’attache à ses récepteurs, elle favorise l’assoupissement et contribue à la régulation du rythme circadien. Durant un sommeil réparateur, le cerveau élimine l’adénosine, ce qui procure une impression d’être bien reposé et alerte au réveil. Mais la caféine, l’alcool et certains troubles du sommeil peuvent entraver ce processus.
La caféine bloque les récepteurs de l’adénosine et empêche celle-ci de s’y fixer et d’envoyer le « Bat-signal » indiquant qu’il est temps de dormir. Le blocage des récepteurs de l’adénosine promeut d’autres neurotransmetteurs, notamment la dopamine, l’adrénaline et l’épinéphrine.
« C’est pour cela qu’on observe les effets de la caféine sur l’humeur, l’énergie, l’attention et la concentration », explique Robert Cowan, neurologue et directeur de la recherche sur les maux de tête à l’Université Stanford.
Le temps que la caféine passe dans l’organisme et la durée pendant laquelle elle nous empêche de bien dormir varient grandement d’une personne à l’autre. La recommandation générale, précise Robert Cowan, est de ne pas dépasser 400 mg par jour et d’arrêter d’en consommer après 14 heures.
Bien que les effets stimulants de la caféine puissent être grandement bénéfiques, « le cerveau ne se laisse pas facilement duper », prévient Robert Cowan. Il en vient vite à considérer, après un usage régulier, que la caféine fait partie du fonctionnement normal de l’organisme. Ainsi, quand un consommateur régulier de caféine cesse brusquement d’en prendre, le cerveau suppose qu’il y a un problème et envoie un signal sous la forme de maux de tête, d’irritabilité ou de fatigue.
COMMENT LA CAFÉINE AIDE LE CORPS
La caféine comporte un certain nombre de bienfaits pour la santé selon la façon dont on la consomme. Les boissons énergisantes ne contiennent par exemple pas les composés supplémentaires présents dans le thé et dans le café, comme les polyphénols et les antioxydants, qui sont bénéfiques pour la santé.
« Quand nous parlons des bienfaits [de la caféine] pour la santé, nous parlons en fait surtout du café [et du thé] », précise Michael Fredericson, médecin du sport et professeur à l’Université Stanford. Et même sans la caféine, le café et le thé comportent de puissants bienfaits potentiels. Des études et des méta-analyses montrent que la consommation de café décaféiné est corrélée à de plus faibles taux de mortalité toutes causes confondues, de mortalité cardiovasculaire, de diabète de type 2 et de cancer du foie.
De manière surprenante, une étude réalisée au Royaume-Uni a montré que les cafés moulus et instantanés (mais pas les décaféinés) étaient associés à une diminution des arythmies, c’est-à-dire des battements de cœur irréguliers.
Et dans le domaine du sport et de la performance, la caféine n’a pas d’égal.
« Je ne pense pas qu’il existe un complément aussi constant que la caféine pour améliorer la performance physique », affirme Bryan Saunders, chercheur à la Faculté de médecine de l’Université de São Paulo. Dans le cadre de ses recherches, Bryan Saunders a découvert que la simple anticipation de la consommation de caféine, avant de recevoir un placebo, améliorait la performance presque autant que la caféine elle-même.
La caféine peut améliorer la concentration tout en émoussant la perception de la douleur et de l’effort, ce qui en fait un composé idéal pour la performance. « Vous pouvez travailler plus dur sans avoir l’impression de fournir autant d’efforts », explique Bryan Saunders. Et c’est une chose particulièrement utile pour les athlètes d’endurance.
L’Agence mondiale antidopage (AMA) attestait d’ailleurs du pouvoir de la caféine : jusqu’en 2004, l’organisme inscrivait ce composé sur sa liste des substances proscrites, bien qu’un athlète eût dû consommer plusieurs tasses de café de suite pour excéder le seuil légal de 12 µg / ml d’urine.
En ce qui concerne la performance physique, la recommandation générale de la Société internationale de nutrition du sportif, avec des exceptions toutefois, est de trois à six milligrammes de caféine par kilogramme de poids de corps. Pour une personne de 80 kg, cela représente par exemple 250 à 490 mg de caféine, ce qui est légèrement supérieur à la recommandation journalière de la FDA.
Selon Michael Fredericson, la caféine est en outre susceptible d’améliorer le temps de réaction et l’attention aux détails. Mais en excès, elle peut provoquer des effets secondaires négatifs : tachycardie, nervosité, anxiété et troubles du sommeil.
« La ligne est ténue », prévient Michael Fredericson, entre bienfaits et effets secondaires.
QUAND SE MÉFIER DE LA CAFÉINE
Certains groupes de personnes doivent faire preuve d’une prudence toute particulière concernant leur consommation de caféine.
Le Collège américain des obstétriciens et gynécologues recommande aux personnes enceintes de limiter leur consommation de caféine à 200 mg par jour. De plus grandes quantités peuvent accroître le risque de fausse couche et d’anomalies congénitales.
Les personnes atteintes de troubles cardiaques devraient également faire particulièrement attention à leur consommation de caféine, rappelle Robert Cowan, ainsi que celles dont la fonction rénale ou hépatique est dégradée.
Anxiété, tremblements, difficultés à s’endormir, confusion mentale et pensées désordonnées peuvent être autant de signes d’une consommation excessive de caféine. Une consommation irrégulière peut aussi provoquer des maux de tête, en particulier chez les personnes migraineuses et chez celles qui sont plus sensibles à la caféine. Dans le même temps, les consommateurs de caféine en faible quantité qui ont un mal de tête qui s’installe peuvent parfois s’en débarrasser à l’aide d’une tasse de café, voire d’un Coca-Cola Light. Les petites quantités de caféine contenues dans ces boissons permettent de faire se contracter les vaisseaux sanguins et rendent les médicaments plus efficaces.
« C’est un peu le vieil argument du type “Trop d’eau et tu te noies” », dit Robert Cowan concernant les bienfaits et les risques de la caféine.
La caféine peut accroître l’absorption d’autres médicaments, ce qui explique parfois sa présence dans des médicaments sur ordonnance ou même sa vente libre (par exemple l’Excedryn). Selon Robert Cowan, c’est également pour cette raison qu’une personne prenant des médicaments pour le cœur devrait faire attention à sa consommation de caféine, car cela peut avoir un effet sur la quantité absorbée dans le sang.
Michael Fredericson, de même que l’Académie américaine de pédiatrie (AAP), ne recommande pas les boissons énergisantes aux adolescents. Mais 30 à 50 % de ces derniers en boivent tout de même, selon les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC).
La caféine, de manière générale, peut perturber le développement du cerveau à l’adolescence. L’AAP souligne les risques « d’anxiété, d’hyperactivité, d’inattention, de recherche de sensations et de mauvaises prises de décisions », en plus d’un effet nocif sur le sommeil. Les boissons énergisantes contiennent des doses colossales de caféine susceptibles d’aggraver le stress général.
« C’est la dernière chose qu’il vous faut à ce stade de votre vie, prévient Michael Fredericson. Ces enfants sont déjà bien trop stressés, donc c’est ma préoccupation principale. »
Mal dosée et prise aux mauvais moments, la caféine perturbe le sommeil des adultes également, ce qui peut provoquer nombre des problèmes de santé que la caféine consommée avec modération pourrait au contraire aider à prévenir. Selon Michael Fredericson, les troubles du sommeil peuvent accroître le risque de maladie cardiovasculaire, de diabète et de maladie d’Alzheimer.
Le conseil de Robert Cowan est de faire preuve de modération et de régularité vis-à-vis de la caféine. En plus de la limite journalière de caféine, la FDA préconise d’arrêter d’en consommer à partir de 14 heures. Les personnes qui métabolisent la caféine plus lentement devraient arrêter plus tôt dans la journée pour ne pas perturber leur sommeil, tandis que celles au métabolisme rapide peuvent parfois prendre un expresso après le dîner sans souci.
Chacun est différent, mais Michael Fredericson recommande deux à quatre tasses par jour.
« Il vous faut simplement découvrir ce qui fonctionne pour votre corps. »