Investissements étrangers : la Côte d’Ivoire s’invite sur le podium africain

Portée par une décennie de réformes structurelles et une stabilité politique, la Côte d’Ivoire devient, en 2024, la troisième destination d’investissements directs étrangers sur le continent.
Investissements étrangers, la Côte d’Ivoire se démarque
Déjà saluée pour sa résilience macroéconomique, la Côte d’Ivoire franchit un seuil symbolique. En 2024, le pays a attiré 3,8 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE), selon les données officielles. Un niveau qui la place derrière l’Égypte et l’Éthiopie, mais devant des économies africaines traditionnellement dans le peloton de tête à l’image du Maroc, le Nigéria ou l’Afrique du Sud.
Cette progression continentale s’inscrit dans une trajectoire initiée de longue date. Dès son arrivée au pouvoir, le président Alassane Ouattara a fait de l’attractivité économique une priorité stratégique. Portée par un ensemble de réformes étalées sur plus d’une décennie, cette transformation s’est construite pas à pas.
Les signaux étaient déjà visibles en 2023. Selon le CEPICI, le Centre de promotion des investissements, les investissements agréés s’élevaient à plus de 1 000 milliards de francs CFA, en hausse de 6 % sur un an. Plus de la moitié (51 %) de ces montants provenaient d’investisseurs étrangers, dont la diversité (Chine, Turquie, États-Unis, Japon, France ou Togo) témoigne d’une volonté d’élargir les partenariats au-delà des partenaires économiques traditionnels.
Dans un environnement mondial marqué par la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement, Abidjan capitalise sur des secteurs porteurs, notamment son industrie naissante, les services, la banque et le secteur extractif.
Des projets structurants en cours
Et le regain d’intérêt se matérialise dans les projets. En mai 2025, l’État ivoirien a signé une série d’accords avec des groupes américains pour un montant global de 5,1 milliards de dollars. Ces investissements doivent notamment financer une nouvelle raffinerie d’une capacité de 170 000 barils par jour, dans l’objectif de renforcer l’indépendance énergétique du pays.
Dans le domaine des énergies renouvelables, un Pacte national de l’énergie vise 6,5 milliards de dollars d’investissements d’ici à 2030, dont 2 milliards attendus du secteur privé. À terme, la part des sources propres dans le mix énergétique national devrait atteindre 42 %. Plusieurs appels d’offres solaires sont en cours, avec une capacité cumulée de 200 mégawatts.
Le secteur minier n’est pas en reste. Ces derniers mois, de nombreux gisements ont été découverts, notamment dans le colton mais surtout dans l’or, à l’instar du gisement aurifère situé à Doropo, dans le nord-est du pays, confirmé en juin 2025. Selon la société australienne Resolute Mining, opératrice du site, les réserves s’élèveraient à plus de 100 tonnes d’or. Le projet devrait permettre la création de plusieurs centaines d’emplois dans une zone jusqu’ici peu intégrée aux dynamiques économiques nationales.
Une stabilité macroéconomique récompensée
Cette dynamique repose également sur un socle macroéconomique solide. En juin 2025, l’agence Fitch a maintenu la note souveraine de la Côte d’Ivoire à BB-, assortie d’une perspective stable. Dans son analyse, l’agence souligne la robustesse de la croissance, la réduction du déficit public (estimé à 4 % du PIB) et le rôle stabilisateur de l’ancrage monétaire au sein de l’UEMOA.
À quelques mois de l’élection présidentielle, prévue fin 2025, les observateurs notent une absence de tensions majeures. Le cadre juridique demeure inchangé et aucun signal de désengagement des investisseurs n’a été relevé, tant du côté des multinationales que des acteurs régionaux.
Une transformation perceptible sur le terrain
Les effets des investissements étrangers se traduisent concrètement dans les territoires. Le taux d’accès à l’électricité est passé de 38 % en 2017 à plus de 94 % fin 2024, selon les données de la Banque mondiale. En 2023, plus de 25 000 entreprises ont été créées, en majorité dans les services, mais avec une montée en puissance de l’industrie légère et de la logistique. Symbole de cette dynamique, la filière cacao, pilier historique de l’économie ivoirienne, amorce une mutation stratégique. Alors que la Côte d’Ivoire transforme actuellement environ 35 à 40 % de sa production sur place, le gouvernement s’est fixé pour objectif d’atteindre 100 % d’ici à la fin de la décennie.
Plusieurs unités de transformation ont été inaugurées ou étendues ces dernières années, notamment autour d’Abidjan, de San Pedro ou dans le centre du pays. Ces investissements sont soutenus à la fois par des capitaux ivoiriens et par des acteurs étrangers, tels que l’américain Cargill, le singapourien Olam ou encore le suisse Barry Callebaut. À cela s’ajoutent des financements structurés provenant d’institutions financières de développement comme la Banque africaine de développement (BAD) ou la Société financière internationale (IFC, branche de la Banque mondiale).
Outre l’enjeu de montée en gamme, cette politique vise à mieux capter la valeur ajoutée liée à l’« or brun », à renforcer l’ancrage territorial de l’industrie agroalimentaire, et à stimuler la création d’emplois qualifiés dans les zones de production. L’économie ivoirienne est devenue plus complexe, plus intégrée et plus territorialisée.