Quel est le meilleur substitut au sucre raffiné ?

Lorsque vous prenez un aliment pauvre en sucre ou en calories, il y a de fortes chances qu’il contienne un édulcorant artificiel ou d’origine végétale. Commercialisés comme des alternatives plus saines au sucre raffiné, ces composés ne sont pas de simples substituts neutres, ils interagissent avec le corps de manière complexe, bien au-delà de la simple réduction calorique.
Les enzymes de l’intestin grêle scindent le sucre ordinaire en glucose et en fructose, et le glucose pénètre rapidement dans la circulation sanguine. « Le glucose est la source de carburant préférée du cerveau », explique Marion Nestle, professeure de nutrition à l’Université de New York. « C’est l'excès de sucre qui pose problème », car les hormones qui maintiennent les niveaux de glucose ne peuvent pas gérer de grandes quantités sans être sécrétées de manière excessive, ce qui perturbe notre métabolisme.
Consommer trop de sucre peut accroître le risque de tomber malade, renforcé par une prise de poids, des épisodes d'inflammation et des formes de résistance à l’insuline. C’est pourquoi les autorités de santé publique recommandent souvent de réduire sa consommation de sucre... et pourquoi tant de gens se tournent vers des substituts. Mais selon les chercheurs, ces substituts « ne sont pas inertes », explique Susie Swithers, professeure de neurosciences comportementales à l’Université Purdue. « Ils ne font pas que traverser notre organisme sans effet. »
Les édulcorants peuvent modifier bien plus que le goût de nos aliments. Les preuves suggèrent qu’ils peuvent affecter le poids, le microbiome intestinal et le métabolisme. Le problème : il est difficile de déterminer quel édulcorant fait quoi. De nombreuses études les regroupent ou mélangent des personnes en bonne santé et d’autres atteintes de maladies chroniques, des consommateurs de longue date d’édulcorants et ceux qui en ont à peine consommé, comme le précise Yanina Pepino, professeure de nutrition à l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign.
Voici quatre des substituts au sucre les plus courants - et leurs effets sur votre santé.
L'ASPARTAME
La première autorisation de mise sur le marché de cet édulcorant a été accordée aux États-Unis par la Food and Drug Administration (FDA) en 1974. En France, l’aspartame a été autorisé à partir de 1988 et son emploi en tant qu’édulcorant en 1994. L’aspartame est un composé synthétique fabriqué en liant deux acides aminés, la phénylalanine et l’acide aspartique, avec un ester méthylique. Il est environ 200 fois plus sucré que le sucre, si bien qu’une très petite quantité suffit. Vous le trouverez sous des noms de marque divers, dans tout, des sodas light aux gommes sans sucre.
Une fois consommé, l’aspartame est décomposé dans l’intestin grêle. Comme il est entièrement digéré avant d’atteindre le côlon, les scientifiques ne s’attendent généralement pas à des effets sur le microbiote intestinal, bien que certaines études aient rapporté des changements subtils.
À court terme, l’aspartame ne semble pas affecter le poids, contrairement au sucre ordinaire, qui a entraîné une prise de poids dans un essai de 12 semaines comparant les édulcorants. Il produit également de plus petites pointes de glycémie après les repas. Mais lorsqu’on le compare à d’autres édulcorants, ou même à de l’eau pure, les différences sont minimes. Certaines études suggèrent même qu’il pourrait déclencher davantage la faim que les autres substituts au sucre raffiné.
Des études menées sur des animaux ont montré que des doses élevées d’aspartame pouvaient augmenter la sécrétion d’insuline et aggraver l’athérosclérose - les dépôts graisseux dans les artères. Mais les études menées sur des souris utilisent souvent des quantités élevées d'aspartame, précise Graham Finlayson, professeur de psychobiologie à l’Université de Leeds. « Il faut être vraiment prudent lorsqu’on essaie d’extrapoler cela aux habitudes humaines. »
De grandes études d'observation, suivant des cohortes sur plusieurs décennies, ont établi un lien entre des apports plus élevés d’aspartame et un poids corporel et une masse grasse plus importants, ou une augmentation des risques de certains cancers. Ces résultats ont conduit l’Agence internationale de recherche sur le cancer à classer l’aspartame comme « peut-être cancérogène », bien que d’autres organismes de régulation aient maintenu les limites d’apport inchangées.
LE SUCRALOSE
Vendu sous le nom de marque Splenda, le sucralose est arrivé sur les étagères américaines dans les années 1990 et, à l’époque, c'était le substitut qui ressemblait le plus au goût du sucre, explique Yanina Pepino. Il est fabriqué en modifiant chimiquement le saccharose, en remplaçant trois groupes hydroxyles par des atomes de chlore. Cette transformation le rend environ 600 fois plus sucré que le sucre et le rend également résistant à la digestion, ce qui signifie que cet édulcorant passe par l’intestin et est excrété dans les selles.
Certains essais menés sur des adultes en bonne santé montrent que le sucralose n’affecte pas les réponses du glucose et des hormones lorsqu’il est consommé avant un apport en glucides. Mais d’autres recherches ont démontré l’inverse, montrant qu’il peut altérer la capacité des personnes en bonne santé à gérer le glucose.
« Les personnes souffrant d’obésité peuvent être plus sensibles à certains de ces effets », souligne Yanina Pepino, car leur métabolisme est déjà désaligné. Dans un essai, des personnes obèses qui avaient consommé du sucralose avant un test de glucose ont montré une glycémie légèrement plus élevée, une libération d’insuline plus importante et une sensibilité réduite à l’insuline par rapport à lorsqu’elles avaient passé le test sans sucralose.
Dans un essai clinique de douze semaines, les personnes qui consommaient du sucralose ingéraient moins de calories, déclaraient manger moins souvent, et ont constaté une légère baisse de poids par rapport à celles qui avaient reçu de l’aspartame ou d’autres édulcorants. Mais il a par ailleurs été démontré que le sucralose augmentait le flux sanguin dans l’hypothalamus, ce qui pourrait affecter le contrôle de l’appétit.
LA STEVIA
Tirée d’une plante sud-américaine, la stévia est souvent considérée comme une alternative « naturelle » aux édulcorants de synthèse, mais cela ne la rend pas nécessairement meilleure pour la santé, précise Swithers. La douceur de la stévia provient de composés appelés glycosides de stéviol, qui sont extraits et concentrés pour créer un produit environ 300 fois plus sucré que le sucre.
Contrairement à l’aspartame ou au sucralose, la stévia atteint le côlon intacte. Là, les bactéries intestinales la décomposent en stéviol. Ce composé est ensuite absorbé et transformé par le foie avant d’être finalement excrété dans l’urine. Certaines études suggèrent que ce processus pourrait être bénéfique pour le microbiote intestinal, tandis que d’autres n’ont constaté que peu d’effets.
Lorsqu’elle est utilisée à la place du sucre, la stévia réduit les réponses du glucose et de l’insuline aux aliments, en particulier chez les personnes obèses. Dans une étude, des en-cas édulcorés soit à l’aspartame soit à la stévia ont réduit l’apport calorique quotidien, et la stévia a également atténué les pics de glycémie et d’insuline après le repas. Une autre étude a montré que les personnes consommant de la stévia maintenaient leur poids, tandis qu’un groupe témoin en prenait. La raison n’est pas entièrement claire, car d’autres recherches montrent qu’elle n’affecte pas l’appétit.
Toutes les formes de stévia ne sont pas approuvées dans le monde. Dans l’Union européenne et aux États-Unis, les glycosides de stéviol purifiés sont autorisés, mais la feuille entière de stévia et les extraits bruts restent non approuvés en raison de données insuffisantes.
LE FRUIT DU MOINE
Comme la stévia, le fruit du moine est commercialisé comme un édulcorant « naturel », celui-ci étant issu d’un petit fruit originaire d’Asie du Sud-Est. Sa douceur provient d’un composé appelé mogroside V, qui est environ 200 fois plus sucré que le sucre. La FDA a accordé à diverses formes d’extrait de fruit du moine le statut de « généralement reconnu comme sûr » depuis 2010 ; on le retrouve désormais dans une variété d’aliments, notamment les chocolats, les céréales et les boissons.
Comme il est relativement récent, les études menées sur les humains sont limitées. Un petit essai comparant le fruit du moine et d’autres édulcorants au saccharose n’a trouvé presque aucune différence entre les édulcorants sans calorie en termes d’apport énergétique quotidien, de taux de glucose après les repas ou de réponses de l’insuline. Une étude de surveillance du glucose sur 24 heures n’a révélé aucune différence entre le sucre ordinaire et le fruit du moine. En réalité, que la douceur provienne d’un composé artificiel ou d’un substitut naturel ne changeait pas les résultats.
Les recherches menées sur des animaux suggèrent d’éventuels bénéfices métaboliques et pour la santé. Certaines études indiquent que les extraits de mogroside pourraient améliorer la glycémie à jeun et la sensibilité à l’insuline, tandis que d’autres rapportent des effets anti-inflammatoires ou même le potentiel d’inhiber la croissance des cellules cancéreuses. Mais jusqu’à présent, ces effets n’ont pas été confirmés chez l’être humain.
CES ALTERNATIVES SONT-ELLES PLUS SAINES QUE LE SUCRE ?
Les édulcorants, naturels ou artificiels, partagent tous la propriété d’avoir un goût sucré, explique Yanina Pepino, ce qui pourrait potentiellement activer les récepteurs du goût sucré. Et ces récepteurs ne se trouvent pas seulement sur la langue, ils sont disséminés dans tout le corps, influençant le métabolisme, l’appétit et les réponses de l’insuline, précise Susie Swithers.
Cependant, la science n’a pas encore tranché quant à savoir si des édulcorants spécifiques sont nocifs, inoffensifs, ou même bénéfiques pour la santé. Si vous souhaitez remplacer le sucre dans votre alimentation, il existe des preuves que cela peut être bénéfique, en particulier pour des maladies chroniques comme le diabète de type 2.
Mais la leçon la plus importante pourrait être plus simple : viser une diminution générale de la consommation de sucré. « Peu importe qu’il s’agisse de sucres ou de certains édulcorants artificiels », estime Yanina Pepino. Mais il faut reconnaître que ces substances chimiques ne sont pas inertes, et que la douceur a des effets physiologiques, ajoute-t-elle.