Une nouvelle "quasi-lune" tourne autour de la Terre

Nov 18, 2025 - 08:30
Une nouvelle "quasi-lune" tourne autour de la Terre

Grande nouvelle dans notre système solaire : un mystérieux rocher spatial, de la taille d’un immeuble, accompagne la Terre dans son voyage autour du soleil. Inconnu des astronomes jusqu’à cet été, cet objet suit notre planète depuis des décennies, dans une configuration céleste qui en fait une « quasi-lune ».

Lorsque Benjamin Sharkey, astronome à l’université du Maryland, a entendu parler pour la première fois de 2025 PN7, comme les scientifiques l’appellent désormais, sa première réaction a été : « oh super, encore une ». Tout simplement car PN7 n’est que la dernière découverte en date parmi un défilé ininterrompu de tout petits objets faisant office de satellite dans les environs de la Terre.

Notre planète possède d’autres « quasi-lunes » comme PN7 ; celles-ci orbitent autour du soleil mais leur trajectoire qui suit une boucle dans l’espace, se glissant tantôt devant la Terre, dérivant tantôt derrière elle, donne ainsi l’impression qu’elles tournent réellement autour de notre planète. Il existe également des mini-lunes, qui sont en réalité « capturées » par la force d’attraction terrestre et orbitent de manière temporaire autour de la Terre avant de s’échapper.

Rien n’est comparable à la Lune, le seul satellite naturel de la Planète bleue, joyau sacré du ciel nocturne. Ces autres objets ne sont visibles qu’à l’aide de puissants télescopes, en particulier ceux conçus pour capter la faible lumière du soleil qui se reflète sur de minuscules rochers se déplaçant rapidement dans l’obscurité. Chaque nouvelle découverte nous rappelle néanmoins une exquise réalité concernant notre voisinage cosmique : il existe toujours davantage de lunes qui tournent autour de la Terre que ce que nous croyons.

« Elles nous font vraiment reconsidérer notre sympathique vision statique et ordonnée du système solaire », explique Benjamin Sharkey.

 

QU’EST-CE QU’UNE QUASI-LUNE ?

Dans le système solaire, la Terre n’est pas la seule planète à disposer de satellites furtifs ; les astronomes ont détecté la toute première « quasi-lune » connue autour de Vénus en 2002. La découverte de PN7 porte à au moins sept le nombre de « quasi-lunes » connues tournant autour de notre planète. Il en existe probablement d’autres, qui se déplacent sans être décelées. 

Ces petits corps peuvent entrer et sortir d’une orbite partagée avec la Terre par pur hasard gravitationnel, indique Benjamin Sharkey, et sont soumis à de minuscules tiraillements gravitationnels venant de notre planète. Les « quasi-lunes » découvertes jusqu’à présent ont une taille comprise entre 9 et 300 mètres ; pour l’heure, l’on soupçonne PN7 d’être l’une des plus petites d’entre elles.

PN7, qui a été détectée par un télescope Pan-STARRS à Hawaï à la fin du mois d’août, s’est synchronisée avec la Terre au milieu des années 1960, avant que les premiers êtres humains ne posent le pied sur la Lune. Les scientifiques prédisent que PN7 déviera sur une orbite différente autour du soleil en 2083. La durée de ces configurations varie ; un autre objet découvert par Pan-STARRS en 2016, Kamoʻoalewa, conserve son statut de « quasi-lune » depuis environ un siècle, et ce, encore pour les 300 prochaines années.

Les mini-lunes sont également le fruit d’un hasard gravitationnel, si ce n’est que la Terre les capture véritablement. Ces rochers dérobés par notre planète tournent en général autour d’elle pendant moins d’un an ; leurs orbites sont assez instables et ils peuvent facilement s’en échapper. Les astronomes n’ont observé que quatre mini-lunes à ce jour ; la dernière, proche des proportions d’un bus scolaire, a quitté la Terre l’année dernière après quelques mois.

La plupart des mini-lunes sont « assez petites, comme des rochers », ce qui signifie qu’elles sont difficiles à détecter, décrit Grigori Fedorets, astronome à l’université de Turku en Finlande. À l’heure actuelle, il n’existe aucune mini-lune connue autour de la Terre. Une analyse de l’astronome prédit cependant que, à tout moment, notre planète peut s’en voir attribuer une de plusieurs mètres de diamètre, tandis qu’une autre analyse encore suggère qu’elle pourrait même s’en voir octroyer six de taille similaire.

 

QU’EST-CE QU’UNE LUNE AU JUSTE ? 

Il peut sembler exagéré de qualifier un rocher de lune, même miniature. Il en va de même pour certaines « quasi-lunes » plus petites comme Kamoʻoalewa, qui mesure environ la taille d’une grande roue. Les astronomes ne disposent en fait d’aucun ensemble officiel de règles pour nommer et classer les objets pouvant se présenter comme des lunes.

En 2018, une équipe de scientifiques a rapporté avoir découvert deux « lunes fantômes », des nuages vaporeux de poussière cosmique orbitant aux côtés de la Lune. Si chaque nuage contient de nombreux grains de matière, Benjamin Sharkey s’interroge : « Diriez-vous qu’il s’agit d’une "lune fantôme" ou bien de "100 000 lunes" ? »

Ces astres pouvant s’apparenter à des lunes apportent au domaine de l’astronomie un sentiment d’immédiateté que certaines merveilles lointaines ne peuvent offrir. Kathryn Volk, planétologue au Planetary Science Institute, entreprise privée à but non lucratif dédiée à la recherche scientifique et à l’éducation dans le domaine de la planétologie située en Arizona, est parfois jalouse de ses collègues qui étudient cette partie du système solaire et peuvent ainsi observer la totalité du parcours ce type d’objets qu’ils analysent. Les petits corps célestes situés au-delà de Neptune et sur lesquels elle travaille ne feront même pas le tour du soleil une seule fois au cours de sa vie car leurs périodes de révolution sont très longues, regrette-t-elle. Tandis que les voyages des « quasi-lunes » et mini-lunes dans le système solaire interne se déroulent sur des échelles de temps nettement plus courtes, offrant « un exemple concret très intéressant de la dynamique orbitale », ajoute la planétologue.

 

D’OÙ VIENNENT CES NOUVELLES LUNES ?

Les scientifiques tentent toujours de déterminer l’origine de ces visiteurs occasionnels de la Terre, révèle Benjamin Sharkey. Il pourrait s’agir d’astéroïdes proches de la Terre, un ensemble de milliers de roches spatiales qui appartenaient autrefois à la ceinture principale d’astéroïdes du système solaire, entre Mars et Jupiter. À un moment donné, Jupiter, la reine de la force d’attraction, les a peut-être poussés vers le système solaire interne.

Il est également possible que ces astres s’apparentant à des lunes soient des fragments de la Lune qui ont été arrachés de sa surface par des collisions avec d’autres roches filant à travers l’espace. Lorsque Benjamin Sharkey et ses collègues ont étudié la « quasi-lune » Kamoʻoalewa, ils ont découvert que sa composition semblait « plus proche de la Lune que celle de tous les autres astéroïdes observés auparavant », plus érodée et brûlée par le soleil que les astéroïdes typiques situés dans les environs de la Terre. La mini-lune la plus récente portait également des traces d’appartenance à la Lune.

Une exploration sérieuse de Kamoʻoalewa est déjà en cours et pourrait aider à déterminer ses origines. Au printemps dernier, la Chine a lancé une mission qui atteindra Kamoʻoalewa l’été prochain ; la sonde prélèvera des fragments rocheux de la « quasi-lune » et les ramènera sur Terre pour que les scientifiques puissent les analyser.

Une autre théorie encore postule que ces objets seraient les derniers rescapés d’une ancienne population d’astéroïdes qui se seraient agglomérés près de la Terre au cours des premiers jours tumultueux du système solaire. Néanmoins, suggère Benjamin Sharkey, pourquoi ne choisir qu’une seule de ces explications ? Les lunes supplémentaires de la Terre, passées, présentes et futures, pourraient être les trois à la fois.

 

D’AUTRES ASTRES S’APPARENTANT À DES LUNES SONT À VENIR

Les astronomes affirment que la technologie relative aux télescopes n’est pas assez performante pour repérer de petits corps comme PN7 que depuis peu. Ils sont impatients de voir quels types d’objets s’apparentant à des lunes seront découverts prochainement grâce à des instruments puissants, en particulier le nouvel observatoire Vera C. Rubin. 

Selon Grigori Fedorets, lorsque les scientifiques observent ces objets, ils s’intéressent à un sujet très ancien, l’étude de la mécanique céleste, qui a autrefois complètement redéfini la place de l’humanité dans les cieux, chassant la Terre du centre de l’Univers connu. Bien sûr, une poignée de mini-lunes ne provoquera pas un changement de la compréhension scientifique telle que la révolution copernicienne. Cependant, elles nous rappellent que le Cosmos est en perpétuel mouvement, que la gravité réorganise sans cesse, en silence, le paysage céleste, même aussi près de chez nous, et que l’être humain n’a découvert que depuis peu de quelle façon capter ces changements lorsqu’ils se produisent que depuis relativement peu de temps.

Ce qui est en revanche peu susceptible de changer, c’est que la Terre ne peut « capturer » de manière permanente une autre véritable lune, une qui ne serait pas éjectée à la moindre perturbation gravitationnelle, avance Grigori Fedorets. Cela nécessiterait une rencontre rapprochée avec un énorme objet, de la taille d’une planète, et « dans l’histoire du système solaire, ce n’est plus possible », déclare-t-il. 

Toutefois, l’avenir sera probablement rempli de compagnons de voyage comme PN7. Chacun d’entre eux éloigne un peu plus de la solitude cosmique notre Terre, seule planète du système solaire à ne posséder qu’un unique satellite.