Nahio, symbole du drame électoral en Côte d’Ivoire
À Nahio, dans l’ouest ivoirien, la crise électorale de 2025 a viré au drame. Retour sur les événements tragiques qui ont marqué cette sous-préfecture de la Côte d’Ivoire.
Nahio, un village au cœur du Haut-Sassandra
Située près d’Issia, dans la région du Haut-Sassandra, Nahio est une localité bété connue pour être le village d’origine des descendants de Nahi. Autrefois commune à part entière, Nahio a perdu ce statut en mars 2012 lors de la suppression de plus d’un millier de communes décidée par le gouvernement ivoirien.
Depuis, le nom de Nahio évoque non seulement ses racines culturelles profondes, mais aussi un épisode sombre de l’histoire politique récente de la Côte d’Ivoire.
La crise électorale en Côte d’Ivoire à l’origine du drame de Nahio
Tout commence avec une crise pré-électorale nationale, sur fond de tensions politiques et de contestation de la Commission Électorale Indépendante (CEI). L’opposition, regroupée autour du Front Commun PPA-CI – PDCI-RDA, exige la révision de la liste électorale avant la présidentielle du 25 octobre.
Le président sortant, Alassane Ouattara, se représente pour un quatrième mandat, alors que la Constitution ivoirienne n’en autorise que deux. Cette candidature divise profondément le pays.
Du côté du PDCI-RDA, le président Tidjane Thiam voit sa candidature rejetée par le Conseil constitutionnel, au motif d’une double nationalité franco-ivoirienne. Après avoir officiellement renoncé à la nationalité française, il réclame une nouvelle révision de la liste électorale, comme le prévoit la loi, mais la CEI refuse, invoquant un manque de temps.
Des tensions politiques à la violence populaire
L’exclusion de plusieurs figures de l’opposition, dont Laurent Gbagbo, condamné à 20 ans de prison pour l’affaire de la BCEAO malgré l’absence de préjudice financier, attise la colère des partisans du Front Commun.
Des manifestations éclatent dans plusieurs villes : Abidjan, Bonoua, Yamoussoukro… Les affrontements entre forces de l’ordre et jeunes manifestants font plusieurs victimes et des centaines d’arrestations.
C’est dans ce climat explosif que Nahio entre dans la tourmente. Le 25 octobre, jour du scrutin, les jeunes du village s’opposent à l’ouverture des bureaux de vote et détruisent plusieurs urnes, dénonçant un processus électoral biaisé.
La riposte ne tarde pas : dans la nuit, des hommes armés, identifiés comme des Dozos (chasseurs traditionnels) et des partisans du parti au pouvoir, attaquent plusieurs quartiers.
25 octobre 2025 : Nahio dans les flammes, nuit de terreur
Les témoignages recueillis évoquent une attaque coordonnée et d’une extrême violence. Des maisons sont incendiées, des habitants blessés à la machette, un homme calciné vif, un autre abattu. Plus de vingt personnes auraient été grièvement blessées.
Les rescapés décrivent une scène d’horreur : cris, flammes, panique généralisée. Ce drame a transformé Nahio en symbole des excès politiques et communautaires qui continuent de fragiliser la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire.
Nahio, le symbole d’un pays en quête de paix
Depuis ces événements, Nahio est devenu un nom chargé de mémoire et d’émotion. Le village illustre la fracture profonde entre pouvoir et opposition, mais aussi la détresse d’une population prise au piège des rivalités politiques.
Les habitants réclament justice et réparation pour ce drame justifié par des relais du pouvoir ivoirien, lesquels manquent de noter que seule la gendarmerie est habilitée à punir les empêcheurs de voter. Depuis 2002, la Côte d’Ivoire est entrée dans un cycle de violence qui s’est accentué en 2011 avec plus de 3000 morts.
Les auteurs de ces crimes n’ont jamais répondu de leurs acte malgré une volonté de réconciliation évoquée mais jamais précédée par la justice. Les violences du soir de l’élection du 25 octobre 2025 remportées par Alassane Ouattara ajoute Nahio comme un nouveau chapitre dans la crise de confiance entretenue entre ivoiriens, qui vivent côte à côte avec des rancœurs enfuies.