Nostradamus : pourquoi ses prédictions nous obsèdent toujours autant

Nov 4, 2025 - 15:40
Nostradamus : pourquoi ses prédictions nous obsèdent toujours autant

Que nous réserve l'avenir ? Comment le monde finira-t-il ? Ce sont des questions aussi fascinantes que troublantes, et, il y a des siècles de cela, un médecin autoproclamé prophète prétendait déjà pouvoir y répondre. Ses prédictions, parfois confuses, souvent sinistres, continuent de nourrir l’imaginaire collectif, et beaucoup croient encore aujourd’hui que ses prophéties peuvent s’appliquer à notre époque. Parmi ses prédictions supposées pour 2025 : de longues guerres, des épidémies et une boule de feu détruisant la Terre.

Nostradamus est si célèbre pour ses « visions » qu’une référence à son nom en 1672 constitue l’un des premiers emplois documentés du mot prognostication en anglais.

Mais celui que beaucoup considèrent comme un prophète n’avait rien d'un devin. C’était un médecin, apothicaire et auteur français, dont les prédictions audacieuses ont marqué la France de la Renaissance. 

 

QUI ÉTAIT NOSTRADAMUS ? 

Michel de Nostredame naquit à Saint-Rémy-de-Provence en décembre 1503 (la date exacte fait débat). Fils d’un notaire et petit-fils d’un médecin réputé, il se maria deux fois et eut huit enfants.

À cette époque, la France était traversée par des tensions religieuses majeures. Sa famille, d’origine juive, s’est convertie au catholicisme après l’annexion de la Provence au royaume de France en 1486 : les autorités locales venaient d'ordonner aux Juifs de se convertir, faute de quoi il leur fallait partir. Michel fut donc élevé dans la foi catholique.

Brillant étudiant, il apprit le latin, le grec, l’hébreu et la médecine. Il entra à l’université d’Avignon avant d’obtenir son diplôme de médecine dans les années 1520. Mais ses études furent interrompues par une épidémie de peste.

 

LA PESTE ET L'INQUISITION 

Après avoir terminé ses études formelles, Nostredame passa du temps à voyager à travers la France, étudiant l’herboristerie et soignant les victimes de la peste, l’une des maladies les plus redoutées de l’époque.

Les historiens pensent qu’il fut expulsé de l’Université de Montpellier, où il poursuivit ensuite ses études, pour avoir exercé le « métier manuel » d’apothicaire ; ils ne s’accordent pas sur le fait qu’il y soit revenu pour obtenir son doctorat.

Pratiquer la médecine dans la France de la Renaissance revenait à traiter des maladies comme la peste. Mais la médecine de l’époque impliquait aussi des pratiques désormais considérées comme non scientifiques, telles que l’alchimie, l’astrologie et la prophétie. Ces pratiques ne purent sauver la vie de la femme de Nostradamus, dont le nom ne nous est pas parvenu, ni celle de leurs deux enfants. Ils moururent dans les années 1530, probablement de la peste.

Le médecin, dévasté, dut alors faire face à d’autres problèmes. En 1538, il fut entendu en train de critiquer ouvertement l’artisanat d’une statue religieuse, des paroles qui lui valurent d’être accusé d’hérésie et traîné devant les inquisiteurs. Une accusation d’hérésie aurait détruit sa réputation localement, et une condamnation aurait mené à son exécution. Mais le tribunal l’acquitta finalement, et il reprit ses voyages, se spécialisant dans les remèdes contre la peste.

Certaines des préparations de Nostradamus étaient sans doute efficaces, car il trouva un emploi stable. Le succès de ses remèdes reposait probablement sur des pratiques d’hygiène comme la recommandation de boire de l’eau propre. D’autres, comme ses pilules de rose, utilisaient des herbes et des fleurs. Sa pratique impliquait également l’alchimie, l’astrologie et d’autres arts ésotériques aujourd’hui considérés comme non scientifiques. Mais ses patients étaient suffisamment satisfaits des résultats pour parfaire sa réputation et vanter ses compétences. Qu’elles fussent viables scientifiquement ou non, les cures de ce curieux médecin de peste le menèrent un peu partout en France au cours de la décennie suivante, et son travail ainsi que ses écrits commencèrent à séduire les plus hautes sphères.

 

LES PRÉDICTIONS POÉTIQUES DE NOSTRADAMUS

Le médecin et astrologue français, dont le nom fut largement latinisé en Nostradamus, commença à rédiger des almanachs annuels dans les années 1550, s’appuyant sur son supposé « don » pour prédire les événements et les conditions météorologiques de l’année à venir. Ces publications populaires et bon marché devinrent célèbres pour leurs prédictions poétiques et introduisirent Nostradamus à un public plus large.

La renommée de Nostradamus lui valut de recevoir des clients prestigieux, avides de prévisions sur leur gloire personnelle et leur succès politique. En 1555, il prédit ainsi qu’un « jeune lion » - interprété comme une référence aux armoiries du roi Henri II - tomberait au combat, et l’année suivante, la reine Catherine de Médicis et son fils Charles IX lui rendirent visite.

Lorsque Henri II mourut effectivement le 10 juillet 1559 d’une blessure reçue lors d’un tournoi de joute, cela suscita ce que l’historien Denis Crouzet appela « un sentiment de catastrophe imminente ».

Le langage vague et fleuri du médecin le protégeait, lui comme les personnes visées par ses prophéties, des erreurs, de l’humiliation et des accusations de charlatanisme, renforçant au fil du temps sa réputation et son mystère. Comme l’écrit l’historienne Michelle Pfeffer de l’Université d’Oxford dans le média généraliste The Conversation, l’astrologie et la divination étaient alors largement pratiquées et particulièrement prisées parmi les élites.

À cette époque, l’Europe était déjà en proie aux tensions religieuses et sociales : la Réforme attisait les divisions entre catholiques et protestants, l’inégalité sociale engendrait des troubles, et les prophéties et rumeurs captivaient le public. Beaucoup de ces tensions éclatèrent en guerres civiles du vivant de Nostradamus.

Critiqué à la fois par les catholiques et les protestants, Nostradamus maintint ses prophéties, publiant même un grand recueil et continuant à éditer ses almanachs populaires, même après avoir été brièvement emprisonné pour avoir publié sans la permission de l’Église. Il mourut le 2 juillet 1566, probablement de la goutte. Depuis, historiens et grand public débattent sans relâche de ses milliers de prédictions, et les valident même parfois.

 

QUELLES SONT LES PRÉDICTIONS QUI SE SONT RÉALISÉES ?

Bien que la prédiction de la mort d’Henri II ait apporté la célébrité à Nostradamus de son vivant, son nom perdura grâce à d’autres prophéties.

Peut-être la plus étonnante fut sa prédiction précise, vers 1558, selon laquelle « le Sénat (Parlement) de Londres mettra son roi à mort ». En 1649, c’est exactement ce qui arriva : Charles Ier fut décapité pour trahison après un conflit avec le Parlement qui provoqua une guerre civile en Angleterre.

« Même les sceptiques doivent le reconnaître : c’est une déclaration des plus remarquables », écrivit le biographe Ian Wilson. Dans la même prophétie, Nostradamus prédit que Londres serait « brûlée par des foudres de vingt trois les six ». En 1666, un incendie ravagea effectivement la ville, détruisant une grande partie de Londres.

Les contemporains n’oublièrent pas ses prophéties, et ne cessèrent de chercher des événements susceptibles de les confirmer dans les décennies suivantes. Les admirateurs du voyant lui ont attribué la prédiction de la Révolution française (« un couple marié » entraînant « tempête, feu et sang »), l’ascension de Napoléon (« un empereur qui coûtera cher à l’empire »), et la montée d’Hitler (« le grand ennemi de toute la race humaine »).

Mais nombre de ses prédictions, trop vagues, ne se sont pas réalisées, et l’histoire regorge de réinterprétations et de manipulations politiques de ses textes.

Parmi ceux qui exploitèrent les prophéties de Nostradamus figuraient les dirigeants du Troisième Reich. Joseph Goebbels, ministre de la propagande nazie de 1933 à 1945, les utilisa pour susciter la peur et renforcer le soutien à l’effort de guerre. Nostradamus fut également invoqué par des groupes extrémistes pour diffuser leur idéologie.

Nostradamus, dit-on, aurait aussi prédit la fin du monde : une prophétie qui ne s’est pas encore réalisée. Il annonça qu’en juillet 1999, « du ciel viendra un grand roi de terreur ». Cette prédiction alimenta les peurs millénaristes, au moment où la crainte du bug de l’an 2000 montait.

L’astrologue français continue d’être lu et étudié par ceux qui s’intéressent à la prophétie et à la divination.

Plus de 500 ans après sa mort, Nostradamus continue de fasciner et de troubler, et l’intérêt pour ses prophéties demeure vif. « La prophétie continue de façonner les espoirs et les peurs pour l’avenir des individus, des groupes, des États et du monde entier », écrit l’historien Stephen Bowd dans The Encyclopedia of Millennialism and Millennial Movements.

Après tout, qui ne voudrait pas connaître l’avenir, ou croire qu’il est possible de l'entrevoir ?