Peut-on vraiment se relaxer en stimulant son nerf vague ?
Une minuscule décharge électrique pourrait-elle calmer notre système nerveux ? C’est la promesse qui se cache derrière une nouvelle vague de gadgets bien-être, conçus pour stimuler le nerf vague, responsable de la régulation du stress, de la digestion et de l’humeur. Sur les réseaux sociaux, les utilisateurs parlent d’un outil qui a « changé leur vie » et qui les aide à « bien dormir la nuit », ou encore à « faire passer une crise d’angoisse en 20 secondes ».
Ce concept semble futuriste, mais découle en réalité de décennies de neurosciences. Les hôpitaux utilisaient les premières versions des stimulateurs du nerf vague pour traiter l’épilepsie et la dépression. À présent, des versions plus petites et plus simples d’utilisation promettent des bienfaits similaires, sans besoin d’une visite chez le médecin ou du suivi d’une autorité médicale. Les chercheurs étudient les interactions de ces outils avec les voies corporelles responsables de la gestion du stress, et tentent de découvrir si le calme qu’ils disent offrir est bien réel.
QUELLES SONT LES FONCTIONS DU NERF VAGUE ?
Le nerf vague part de la moelle allongée, la partie la plus basse du tronc cérébral, et se divise en deux chaînes qui parcourent les deux côtés du corps. « C’est une super-autoroute qui transmet les informations du cerveau vers presque tous nos organes », résume Navaz Habib, fondateur de la clinique de médecine fonctionnelle Health Upgraded, et auteur du livre Activez votre nerf vague.
Ce nerf se trouve au centre du système nerveux autonome, qui régit les fonctions automatiques du corps. Ses deux branches, les branches sympathique et parasympathique, fonctionnent comme une balançoire biologique. L’une enclenche la réponse de combat-fuite, tandis que l’autre ramène le calme dans le corps. « Le nerf vague est le principal nerf qui contrôle votre système nerveux parasympathique », explique Mill Etienne, professeur associé de neurologie et de médecine au sein du New York Medical College.
La stimulation du nerf vague provoque la libération d’un neurotransmetteur, l’acétylcholine, qui ralentit les battements du cœur et diminue la pression sanguine, tout en encourageant la digestion et les fonctions immunitaires. C’est pourquoi, explique Mill Etienne, « nous voulons vraiment tenter d’activer ce nerf vague, afin de rééquilibrer le système nerveux ». En cas de déséquilibre, les effets se manifestent souvent sous la forme d’un « manque de sommeil, d’une énergie très faible, de problèmes de santé mentale et intestinale ».
LES ORIGINES MÉDICALES DES APPAREILS SNV
Les recherches sur la stimulation du nerf vague ont commencé dans les années 1980, lorsque les scientifiques l’ont testée pour la première fois en tant que traitement potentiel de l’épilepsie. Ces appareils SNV (pour stimulation du nerf vague) étaient implantés dans la nuque des patients, près du nerf vague, et étaient contrôlés à distance. « Le principal résultat observé était une diminution de plus de 50 % de la fréquence des épisodes. La FDA [Food and Drug Administration, équivalent américain de l’ANSM] a alors approuvé l’utilisation de ces appareils pour traiter les crises d’épilepsie en 1997 », explique Timea Hodics, neurologue et spécialiste en AVC au sein du Methodist Hospital, à Houston. « Au cours de ces essais, ils ont observé que les dépressions des patients s’amélioraient également. Une approbation [pour les traiter] a donc suivi en 2005. »
La première approbation de la part de la FDA pour l’utilisation d’appareils de stimulation du nerf vague transcutanés ou non implantés est arrivée en 2018. Elle visait à traiter les algies vasculaires de la face et les migraines. Une autre approbation a suivi celle-ci en 2021, afin de fournir un traitement aux patients ayant subi un AVC.
Les versions de ces outils utilisables par les consommateurs ont fait leur apparition sur le marché il y a environ cinq ans. Utilisant les mêmes principes bioélectriques que les versions implantées, ces appareils tiennent dans une main ou ressemblent à des écouteurs, et sont conçus pour une utilisation quotidienne brève, allant de quelques minutes à une heure. Ils délivrent des pulsations électriques d’intensité moyenne par le biais d’un contact auriculaire ou cervical.
Étant donné que ces appareils se basent sur « une estimation de la position du nerf », explique Mill Etienne, le courant est réduit, car il doit passer par la peau. « Une autre différence majeure existe : lorsque [l’appareil] se trouve à l’intérieur du corps du patient, on est en mesure de garantir que le nerf est stimulé chaque jour, selon un certain schéma. »
LES APPAREILS SNV FONCTIONNENT-ILS VRAIMENT ?
On a longuement étudié les appareils implantés, mais ces nouvelles versions non invasives ne l’ont été que très peu. Une étude, menée en 2023, a révélé que les SNV transcutanés réduisaient le stress aigu chez les jeunes adultes en bonne santé selon cinq paramètres physiologiques. L’étude a été conduite en simple aveugle pour contrôler l’effet placebo. Une étude de 2024 a montré qu’il s’agissait d’un outil « puissant et efficace » pour réduire l’anxiété chez les enseignants nouvellement retraités, mais ces deux études ont été menées sur des échantillons réduits. Elles comptaient respectivement dix-neuf et soixante participants.
« La question est de savoir si les [SNV transcutanés] réduisent vraiment l’anxiété ou s’ils en apaisent seulement les symptômes », remarque Timea Hodics au sujet de l’étude de 2024. « J’aurais aimé avoir certains degrés de mesures supplémentaires pour le découvrir. » En contraste, elle se tourne vers une autre étude, elle aussi réalisée en 2024, qui a découvert une amélioration significative de la qualité de sommeil chez soixante-huit personnes souffrant d’insomnie chronique. Cette étude-ci se reposait sur « des mesures subjectives et confiées par les patients » plutôt que sur des données observables.
Pourtant, les chercheurs continuent de découvrir des intersections intrigantes entre la science bioélectrique et la pleine conscience. Un essai randomisé contrôlé, publié en août 2025, a révélé que les SNV transcutanés augmentaient l’entraînement à l’autocompassion, et les auteurs suggéraient qu’ils pourraient être des outils utiles pour « améliorer les psychothérapies basées sur la méditation ».
LES EXPERTS RECOMMANDENT-ILS LES APPAREILS SNV ?
Alors que les recherches continuent, les experts avancent que la stimulation du nerf vague pourrait être plus utile en complément d’autres techniques de gestion du stress, non pour les remplacer.
« J’ai toujours recours à la stimulation du nerf vague comme un outil supplémentaire. Ce n’est jamais la méthode principale », témoigne Navaz Habib, qui utilise un appareil SNV quelques minutes par jour avant de commencer à travailler. Lorsque les réflexes de combat-fuite se déclenchent, cela peut être « une ancre qui aide à recommencer à respirer normalement », dit-il. Mais les experts recommandent plusieurs autres méthodes, qui ont le même effet.
« Sortir marcher dans la nature est une bonne façon d’activer votre nerf vague », explique Mill Etienne. Il recommande également le yoga, le tai-chi et les exercices de respiration. De son côté, Navaz Habib suggère de « fredonner, chanter, se gargariser, prendre un bain glacé ou se rendre au sauna », ou encore le pranayama, un exercice de respiration que l’on retrouve au yoga.
Les appareils SNV ne présentent généralement que très peu de risques, mais certains peuvent représenter un danger, on doit donc en être conscient. « Le plus gros problème, c’est si vous avez du métal implanté dans votre corps », comme un pacemaker, des implants cochléaires, des agrafes ou des épingles chirurgicales. Aucun test n’a été réalisé sur ces appareils au cours de la grossesse. Mill Étienne, ajoute que « les utiliser sous supervision » d'un spécialiste de santé est préférable. Il faut également analyser les facteurs déclenchant les crises d’anxiété ou de stress, sans quoi on pourrait devenir « dépendant d’une machine ».
Bien que l’idée de « pirater » son système nerveux puisse être attrayante, Navaz Habib met en garde : on ne doit pas négliger l’une des formes les plus efficaces, et les plus anciennes, de l’activation du nerf vague. Le rire. « L’une des meilleures choses à faire est de sortir avec ses amis, et de rigoler », explique-t-il. « En sentant que l’on fait partie d’une unité sociale, on se sent en sécurité, et c’est là que s’active le nerf vague. »