Des restes humains ont été découverts sous un repaire secret d’Hitler

Des archéologues amateurs ont déterré l’année dernière cinq squelettes humains, tous sans mains ou pieds, sous la Tanière du loup d’Hitler, ou Wolfsschanze en allemand, près de la ville de Kętrzyn, dans le nord-est de la Pologne.
Cette découverte macabre a été faite sous une maison qu’occupait auparavant Hermann Göring. Ce général de l’armée nazie était le bras droit d’Hitler durant le Troisième Reich.
Bien que les restes n’aient pu être datés avec précision, les dépouilles semblent être celles d’une famille qui a fait les frais de l’histoire tumultueuse de la région au début du 20e siècle.
DÉCOUVERTE DE RESTES HUMAINS DANS LA TANIÈRE DU LOUP
Adrian Kostrzewa, ingénieur de Gdańsk et membre de la fondation Latebra, une organisation bénévole polonaise, travaillait au cours de l’hiver à retrouver des artefacts dans les ruines de la maison de Göring sur le site qui se dresse encore près de ce qu’il reste de bunker d’Hitler.
Les membres de la fondation travaillent autour de la Tanière du loup, qui se trouve aujourd’hui dans un parc national, depuis plus de cinq ans, avec l’autorisation exclusive du gouvernement et des gérants du site.
Adrian Kostrzewa explique qu’il fouillait sous ce qui était auparavant le plancher de la maison de Göring quand il a trouvé ce qu’il pensait être un tuyau de plomberie. Il s’agissait en réalité d’un crâne humain.
Après la découverte, l’équipe de fouilles a fait appel à la police, qui a mis au jour les squelettes de quatre autres personnes, dont un adolescent et un nouveau-né, enterrés en ligne.
On ignore pourquoi ils ont été enterrés là mais une enquête policière est parvenue à déterminer, grâce à leur âge apparent, que les squelettes datent probablement d’avant 1945, confie Adrian Kostrzewa.
Depuis plus de trente ans, la fondation Latebra est spécialiste quand il s’agit de déterrer des artefacts archéologiques de différentes périodes de l’histoire mouvementée et difficile de la Pologne. Ses membres ont souvent recours à des détecteurs de métaux, une pratique qui requiert un permis selon les lois du pays.
Les trente volontaires de la fondation Latebra n’avaient jamais rien vu de pareil avant d’exhumer les squelettes. « C’est une histoire tragique », déclare Adrian Kostrzewa.
LA TANIÈRE DU LOUP
En 1940, Hitler a ordonné la construction d’un quartier général militaire secret dans un lieu reculé du nord-est de la Pologne afin de préparer son invasion de l’Union soviétique. Il a passé de nombreux mois dans la Tanière du loup après sa mise en service en juin 1941, jusqu’en 1944.
Il a été rejoint par d’autres dirigeants du parti nazi, dont Göring, le commandant de la Luftwaffe, son bras droit, et Fritz Todt, le fondateur de l’organisation Todt, responsable de la construction de la Tanière du loup.
Bien qu’issu de la classe moyenne, Göring se prenait pour un aristocrate prussien. Il vivait de manière extravagante, possédait plusieurs demeures, comme l’immense résidence de Carinhall, près de Berlin. Ainsi, ses séjours dans ses quartiers de la Tanière du loup se limitaient probablement à des rencontres essentielles.
Le complexe était constitué d’environ 200 bâtiments : bunkers, abris, baraquements, centrale électrique et gare ferroviaire. À son apogée, plus de 2 000 personnes participaient à la gestion de ce quartier général nazi dans le cadre de l’opération Barbarossa, l’invasion allemande de l’Union soviétique.
Après sa destruction partielle par les Nazis au cours de leur retraite, la Tanière du loup a été ignorée au cours de la Guerre froide avant d’être ouverte au tourisme dans les années 1990, au moment de la fin de l'ère communiste en Pologne.
Elle existe encore aujourd’hui, et attire des dizaines de milliers de touristes chaque mois. Récemment, la Tanière du loup a été remodelée pour reconstruire la salle de conférence où l’officier de l’armée allemande, Claus von Stauffenberg, a fait exploser une valise piégée pour tenter d’assassiner Hitler au cours de l’opération Valkyrie en 1944.
Quatre personnes sont mortes dans l’explosion et vingt autres ont été blessées. Hitler a toutefois été protégé par un pied de la table qui se trouvait dans la salle de conférence et en est ressorti presque indemne.
QUE S’EST-IL PASSÉ DANS LA TANIÈRE DU LOUP ?
Les squelettes étaient enterrés à quelques centimètres de la surface et juste à côté de la tuyauterie des années 1940 qui alimentait la maison. S’ils avaient effectivement été enterrés avant que Göring n’y emménage, les ouvriers auraient découvert les restes et les auraient laissés là où ils étaient.
D’autres particularités entourent ces inhumations. On n’a retrouvé aucune trace de vêtements, bien qu’ils aient pu se décomposer au cours du temps. Mais le plus étrange, c’est que tous avaient perdu leurs mains et leurs pieds, sauf un, qui avait conservé quelques orteils.
Certains archéologues ont émis l’hypothèse que les mains et les pieds se seraient décomposés avant le reste des corps. Aucune explication n’a cependant été proposée pour expliquer pourquoi ils ont été découverts d’une manière aussi étrange. « Ça fait froid dans le dos », admet Adrian Kostrzewa.
Rafał Jackowski, porte-parole de la police provinciale de Varmie-Mazurie, qui officie dans la région, déclare que des officiers et un médecin légiste de Kętrzyn se sont penchés sur les découvertes de la Tanière du loup.
Le médecin a expliqué que les squelettes semblaient remonter à la période de l’Entre-deux-guerres, entre 1918 et 1939. L’état déplorable des restes rend impossible la détermination de la cause de leur mort.
Par conséquent, l’enquête a été close par la police, qui n’avait aucune raison de penser qu’un crime avait été commis.
QUI ÉTAIENT LES PERSONNES ENTERRÉES ?
La prochaine étape pour la fondation Latebra sera de prélever des échantillons sur les dépouilles pour effectuer une datation au carbone 14, qui pourra établir avec une précision de plus ou moins quelques années la date de décès de ces personnes.
La fondation usera également d’autres méthodes afin de déterminer l’identité des défunts. Jusque-là, les théories vont bon train pour tenter de savoir pourquoi elles ont été enterrées sous la résidence de Göring à la Tanière du loup. Elles ne sont cependant que spéculation.
Certains journaux ont conjecturé que les cadavres étaient le résultat de sacrifices humains. Certains dirigeants nazis, dont le commandant des SS, Heinrich Himmler, s’adonnaient à ce qu’ils pensaient être des croyances religieuses païennes germaniques.
Un nombre inconnu de pierres en forme de flèche, des bélemnites, ont été découvertes à proximité des corps au cours de l’enquête de police, explique Adrian Kostrzewa.
Depuis la Grèce antique, on pense que ces pierres remarquables proviennent d’éclairs ayant frappé le sol. Elles étaient parfois utilisées au corps de rituels funéraires païens en tant que porte-bonheurs.
Pour sa part, Adrian Kostrzewa pense toutefois que les cinq squelettes appartenaient à des membres de la même famille. En plus du nouveau-né, il y a des preuves qu’une autre victime était très âgée au moment de sa mort. « C’est l’idée la plus probable », affirme Adrian Kostrzewa. « Ce qui l’est moins, c’est qu’une personne ait bâti une maison juste au-dessus d’un ancien cimetière. »
L’historien de guerre polonais, Paweł Machcewicz, membre de l’Institut d’études politiques de l’Académie nationale de Pologne, qui n’a pas été impliqué dans ces découvertes, suggère que les restes appartenaient à des ouvriers ayant été forcés de construire le complexe de la Tanière du loup. Cette idée n’explique cependant pas la présence d’un nouveau-né parmi les défunts.
Paweł Machcewicz émet également l’hypothèse qu’il pourrait s’agir de soldats tués par l’Armée rouge après sa conquête de la Tanière du loup en 1944. Les soldats ont commis de terribles atrocités à l’encontre des civils. Ces personnes auraient tout aussi bien pu être victimes de violence après la Seconde Guerre mondiale.
Robert Traba, historien expert de la région, qui travaille avec l’Institut d’études politiques et qui n’a pas pris part aux découvertes, ajoute qu’il n’y a eu que peu de recherches professionnelles sur le site de la Tanière du loup. En conséquence, il n’est pas surpris que l’on continue à y faire des découvertes.
Les squelettes font s’épaissir le mystère autour de cette histoire. La Tanière « cache de nombreuses énigmes, dit Robert Traba, et tout autant de problèmes ».