La consommation de cannabis doublerait le risque de décès cardiovasculaire

Juin 28, 2025 - 15:50
La consommation de cannabis doublerait le risque de décès cardiovasculaire

Alors que la marijuana et ses dérivés deviennent de plus en plus courants et que des groupes militent pour sa légalisation en Europe, les chercheurs avertissent sur ses effets sur la santé cardiovasculaire. Cela vient s’ajouter à la liste grandissante des risques qui pèsent sur notre santé lorsque l'on consomme régulièrement du cannabis, qui incluent la psychose et la schizophrénie.

Dans un nouvel article publié dans la revue scientifique Heart, les chercheurs ont analysé les données provenant de vingt-quatre études menées par le passé et ont découvert que l’usage de cannabis est lié à une augmentation significative d’événements cardiovasculaires majeurs. Cela inclut également « l’infarctus du myocarde, l’AVC et une augmentation des morts cardiovasculaires », explique Emilie Jouanjus, pharmacologue clinique du Centre hospitalier universitaire de Toulouse, qui a participé au projet.

Les découvertes, basées sur les données de santé de 200 millions de personnes à travers le monde, ont montré que les utilisateurs de cannabis avaient 20 % de risques en plus de souffrir d'un AVC et étaient deux fois plus susceptibles de mourir de maladies cardiovasculaires que les personnes qui n’en faisaient pas usage.

C’est une découverte inquiétante. En France, la moitié des adultes ou presque a déjà consommé du cannabis au cours de sa vie et il est le produit illicite le plus utilisé par les Français. Encore plus inquiétant : les maladies cardiovasculaires sont la deuxième cause de décès dans le pays.

 

UN PRODUIT RELAXANT AUX RISQUES BIEN RÉELS

Le cannabis est très répandu, notamment aux États-Unis, dans le cadre d’un usage thérapeutique : il apaise les nausées causées par la chimiothérapie et aide à la gestion des symptômes de maladies comme la sclérose en plaques. Mais « une grande partie de la population pense que le cannabis est un produit de bien-être naturel et sûr, or ce n’est pas le cas », insiste Lynn Silver, conseillère senior au sein de l’Institut de santé publique de Californie, qui n’a pas pris part à l’étude, mais a écrit un éditorial qui l’accompagnait. « Ce n’est pas plus sûr que le tabac, dans la gamme des produits naturels de bien-être ; lui aussi vient d’une plante. »

Vira Pravosud, une assistante de recherche scientifique au Centre médical VA de San Francisco, qui n’a pas participé à l’étude, ajoute : « Nous avons cette perception que fumer du cannabis est plus sain et plus sûr que le tabac. Cela ne veut pas dire que c’est vrai, simplement parce que nous ne le savons pas. »

Les chercheurs ignorent comment le THC, le composé psychoactif qui se trouve dans le cannabis, interagit avec le système cardiovasculaire. Mais de nouvelles preuves indiquent qu’il pourrait élever le rythme cardiaque, la pression sanguine et provoquer des inflammations. Tout ceci accentue l’épuisement cardiovasculaire. Certaines études suggèrent que le THC pourrait également causer la constriction des vaisseaux sanguins, limiter la circulation sanguine et potentiellement augmenter les risques de caillots ou d’AVC. Inhaler de la fumée de cannabis peut également exposer les utilisateurs aux particules fines, ce qui peut contribuer à l’accumulation de plaques dans les artères et bloquer la circulation sanguine.

« Si on s’intéresse à la fumée de marijuana, à sa composition chimique, elle n’est pas si différente de la fumée de tabac. C’est juste que, à la place de la nicotine, on trouve du THC », explique Stanton Glanz, professeur de cardiologie et expert en contrôle de tabac à la retraite. Il enseignait au sein de l’université de Californie à San Francisco.

 

POURQUOI LA RECHERCHE EST-ELLE À LA TRAÎNE ?

La légalisation de la marijuana, pour un usage récréatif, a grandement augmenté ces dernières années. En France, il est encore considéré comme un délit de posséder du cannabis, même en faible quantité et était utilisé dans le cadre d’une expérimentation pour un usage thérapeutique jusqu’au 31 décembre 2024. Cela signifie que les consommateurs de cannabis pourraient ne pas confier en faire usage, explique Stanton Glantz, ainsi, les estimations des risques de l’étude pourraient être faussés.

Ne pas être capable de faire la différence entre les risques cardiovasculaires liés aux différentes concentrations de cannabinoïdes et les différentes méthodes de consommations de marijuana fait partie des autres limitations de l'étude. L’inhalation de la fumée, que ce soit pour consommer la substance ou de manière passive, ou encore à cause d’incendies sauvages, a été associée à un risque élevé de maladies cardiovasculaires.

Mais « il existe une recherche récente de l’UCSF (University of California, San Francisco, université de Californie de San Francisco) qui suggère que les consommateurs de cannabis qui prennent également la substance sous forme de friandises, ont subi des changements psychologiques basiques qui sont liés aux risques de maladies cardiaques », explique Lynn Silver. « Alors il semble assez clair qu’en fumer soit lié aux risques. Ce que l’on ne peut pas affirmer, c’est s’il est plus sûr de consommer les friandises, par exemple. »

Plusieurs des études analysées ont montré que le risque cardiovasculaire augmentait avec une consommation de cannabis plus importante, suggérant que les utilisateurs fréquents pourraient être plus à risque que les autres. Certains chercheurs suspectent que les adultes plus âgés ou ceux ayant avec des conditions cardiaques préexistantes pourraient être d’autant plus vulnérables, bien que de plus amples recherches soient nécessaires.

Toutefois, malgré les limitations de l’étude et les questions sans réponse, les chercheurs pensent fortement que la santé cardiovasculaire devrait être prise au sérieux avant de décider de consommer des produits à base de cannabis. « Il ne fait aucun doute qu’il y a une augmentation [des risques cardiovasculaires] », dit Emilie Jouanjus. « Cela ne pourrait pas [encore] être important cliniquement parlant, mais [avec la] grande probabilité que tous ne confient pas en consommer, je pense qu’il est tout de même important de dire que le risque est bien là. »