Comment vont les Français ? Une grande enquête nationale est lancée

Sep 17, 2025 - 17:30
Comment vont les Français ? Une grande enquête nationale est lancée

ALimentation, Biosurveillance, sAnté, Nutrition et Environnement : ce sont les cinq volets qui composent cette enquête et forment l’acronyme Albane. Après une phase pilote menée de septembre à décembre 2024 dans les régions d’Île-de-France et de Nouvelle-Aquitaine auprès de 400 personnes, le premier cycle de l’étude a été lancé le 10 juin dernier.

Il mobilise 3 150 personnes résidant en France métropolitaine, Corse comprise, âgées de zéro à soixante-dix-neuf ans (dont 150 bébés, 1 000 enfants et adolescents âgés de trois à dix-sept ans et 2 000 adultes), tirées au sort à partir des données de l’Insee puis recrutées sur la base du volontariat.

Les participants sont interrogés sur leurs habitudes de vie, leur alimentation et leur pratique sportive. Ils font également l’objet de mesures biomédicales et de prélèvements. Ces données doivent permettre de mieux comprendre l’état de santé de la population française, notamment en matière de nutrition, d’activité physique, d’exposition aux substances chimiques et de prévalence des maladies chroniques.

Ce premier cycle doit s’achever en décembre 2026, avec des résultats attendus en 2027, et ceux concernant la biosurveillance publiés à partir de 2028. L’enquête sera ensuite répétée tous les deux ans, auprès de nouveaux volontaires, afin d’obtenir une vision globale et continue de la santé des Français.

Première enquête d’une telle ampleur en France, Albane doit fournir des données inédites pour aider les pouvoirs publics à orienter et renforcer leurs politiques de santé et de prévention.

 

UNE ÉTUDE D’AMPLEUR INÉDITE

Clémence Fillol, responsable de l’unité Surveillance des expositions à la Direction Santé Environnement Travail (DSET) de Santé publique France, rappelle qu’Albane constitue la première grande enquête nationale menée conjointement par Santé publique France et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). « Jusqu'à présent, l'ANSES avait ses propres enquêtes, les études INCA (Étude individuelle nationale des consommateurs alimentaires), qui étaient plutôt ciblées sur la consommation alimentaire », souligne-t-elle. 

« Du côté de Santé publique France, on avait [aussi] nos propres enquêtes, avec l’Étude nationale nutrition santé (ENNS), le programme national de biosurveillance et l'étude Esteban, qui [portaient notamment] sur la fréquence des maladies chroniques, les habitudes alimentaires, le niveau d'activité physique et l'exposition aux substances chimiques », ajoute la responsable. Comme le rappelle Benoît Vallet, directeur général de l’Anses, « les dernières données collectées par ces dispositifs [datant] au mieux de 2016, il était logique de les actualiser en lançant l’enquête Albane ».

« On a décidé avec l'Anses de mutualiser nos compétences et notre logistique pour faire une grande enquête de santé publique et répondre, dans le champ de nos missions respectives, aux préoccupations des Français », poursuit Clémence Fillol. Albane repose sur une nouvelle approche méthodologique, avec un protocole et des outils communs aux deux agences. « Par exemple, elle propose davantage d’outils de collecte en ligne pour laisser aux participants plus de liberté dans l’organisation de leur participation à l’enquête », précise Benoît Vallet. Cette nouvelle étude se distingue également des précédentes par l’ampleur inédite des données recueillies, la diversité de la population suivie et son fonctionnement en cycles renouvelés tous les deux ans.

Selon la responsable scientifique de Santé publique France, la répétition de l’étude permettra « d’avoir une population un peu plus importante, grâce au poolage de ces cycles, et de décliner des indicateurs régionaux, ce qui n'était pas possible avec nos enquêtes précédentes ». Le directeur général de l’Anses estime que « le premier cycle permettra de dresser un état des lieux au niveau national », qui sera ensuite affiné au fil du temps et adapté aux nouvelles problématiques de santé.

Clémence Fillol ajoute que ce rythme « permettra également d'avoir un suivi plus rapproché dans le temps des données obtenues », afin de mieux décrire la fréquence de maladies chroniques (diabète, maladies respiratoires, allergies, hypertension artérielle), d’évaluer les risques nutritionnels, chimiques ou microbiologiques liés à l’alimentation et de mesurer l’exposition à diverses substances toxiques comme les métaux lourds, les pesticides, les bisphénols, les phtalates ou encore les composés perfluorés (PFAS).

Les résultats de dernier volet sont particulièrement attendus. En effet, Albane figure parmi les actions phares de la Stratégie nationale de biosurveillance lancée début 2024. Cette stratégie vise à mesurer l’exposition des Français aux substances chimiques et à identifier les pathologies qui y sont liées.

« Un grand nombre de substances ont été priorisées à l'aide d'un groupe d'experts, selon plusieurs critères : leur toxicité, leur perception sociale, la faisabilité [de leur mesure], l’état des connaissances, et [la possibilité de] mise en œuvre de mesures de gestion », détaille Clémence Fillol. Selon elle, l’objectif principal de la biosurveillance menée dans le cadre d’Albane est avant tout « d’apporter des éléments concrets permettant à la population française de limiter ses expositions environnementales ». 

À l’heure actuelle, pour de nombreuses substances, aucun seuil n’a encore été défini permettant d’anticiper un problème de santé futur pour la population française. « Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'avec l'enquête d'Albane, on se place vraiment en amont de tout ce qui est risque sanitaire », insiste la spécialiste.

De son côté, « l’Anses utilisera les données [issues d’Albane] pour réaliser de nombreuses évaluations de risque sanitaire en lien avec les aliments et l’eau de boisson », souligne le directeur général, « en mesurant le niveau d’exposition de la population française à différents contaminants, tels que les résidus de pesticides, les toxines naturelles ou encore les éléments traces comme le mercure ». 

 

ÉCLAIRER LES POLITIQUES PUBLIQUES

Clémence Fillol rappelle que « l’enquête Albane est gérée au niveau interministériel », ce qui implique la participation de l’ensemble des ministères en charge de l’écologie, de la santé, du travail et de l’agriculture aux décisions stratégiques et à la restitution des résultats. Elle précise qu’il s’agit d’un outil essentiel pour orienter et éclairer les politiques de santé publique. Sa régularité permet notamment d’assurer un suivi continu et de mesurer concrètement l’efficacité des mesures mises en place.

La responsable cite l’exemple du plomb : les récentes études de biosurveillance ont montré une diminution progressive de l’exposition de la population, directement liée à plusieurs mesures de santé publique, comme « l’interdiction du plomb dans l’essence, la réduction [de son usage] dans les soudures et les canalisations, ou encore la réalisation de diagnostics dans les bâtiments ».

« Avec Albane, nous devrions donc gagner en réactivité et efficacité dans le pilotage des politiques de santé publique en France », assure Benoît Vallet. Le dispositif offrira également la possibilité de réaliser des comparaisons à l’échelle internationale. Comme le souligne Clémence Fillol, « l’enquête Albane s’inscrit à la fois dans les plans nationaux français et dans le paysage international ». D'un côté, elle fournira « les données françaises d’exposition aux substances chimiques dans le cadre du projet européen PARC, qui réunit une vingtaine de pays » et permettra de situer la France par rapport aux autres États européens. « Pour ce qui concerne l’alimentation et la nutrition, dont est plutôt en charge l'Anses, les données seront également partagées avec l'EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) », précise la responsable. 

« C’est sur la base de données telles que celles qui seront apportées par Albane que des institutions comme l’EFSA, la Commission européenne, ou l’OMS au niveau international, fondent leurs recommandations en termes de santé publique et mettent en œuvre des réglementations, […] ou des plans d’actions », souligne Benoît Vallet. En effet, l’enquête nationale contribuera notamment à la mise en place du plan d’action mondial pour la prévention et le contrôle des maladies non transmissibles de l’OMS, prolongé jusqu’en 2030

RENFORCER L’ENGAGEMENT DES PARTICIPANTS

Selon Clémence Fillol, la sélection des participants, réalisée par tirage au sort à partir d'une base de données de l’Insee, assure « une couverture géographique représentative de la France hexagonale », comprenant 167 zones rurales et urbaines. « Chaque individu tiré au sort représente une part de la population, et les informations qu’il fournit permettent de protéger toutes les personnes ayant un profil similaire », précise Benoît Vallet. Il souligne toutefois que certaines catégories de la population ont tendance à s’exclure des enquêtes, en fonction de leur milieu social, de leurs habitudes alimentaires ou de leur mode de vie.  

Divers moyens sont déployés pour recueillir les données nécessaires à l’élaboration d’indicateurs complets et fiables de l’état de santé des participants. Lors de la première étape, un enquêteur d’Ipsos se rendra au domicile des personnes sélectionnées, recueillera leur consentement (ou celui des parents pour les mineurs) et leur fera passer un questionnaire portant sur le logement, l’activité professionnelle et l’alimentation. « À Santé publique France, nous avons participé à la formation de ces enquêteurs et co-construit avec eux des argumentaires pour expliquer pourquoi la participation des Français est importante et en quoi elle contribue à faire progresser la science et la santé publique », précise la spécialiste.

« Le principal défi pour garantir la représentativité et la fiabilité des données recueillies réside dans l’adhésion la plus forte possible des individus tirés au sort », explique Benoît Vallet. Pour y parvenir, l’Anses et Santé publique France s’appuient sur différents outils de communication. « Par exemple, nous avons sensibilisé les professionnels de santé des communes concernées par le premier cycle de l’étude pour répondre aux éventuelles questions de leur patientèle », souligne le directeur général.  

Dans un second temps, pendant environ trois semaines, les volontaires rempliront à leur rythme un questionnaire sur leur mode de vie, leur santé, leurs habitudes alimentaires (sur trois jours tirés au hasard) et leur niveau d'activité. L'activité physique de certains d'entre eux sera mesurée sur sept jours.

Enfin, les participants se rendront dans un laboratoire de biologie médicale partenaire pour un examen de santé, afin d'y mesurer leur taille, leur poids, leur force musculaire et, à partir de douze ans, leur pression artérielle. L’examen comprendra aussi des analyses d’urine, le prélèvement d’une petite mèche de cheveux et, à partir de six ans, des analyses de sang. « Pour les participants, cette enquête peut aussi être l’occasion de faire un point sur leur santé. En effet, en retour de leur investissement, ils ont accès à une synthèse de leurs consommations alimentaires, à leurs dosages biologiques immédiats ou à leurs mesures corporelles », conclut Benoît Vallet.