La vie extraterrestre pourrait-elle se nourrir de rayons cosmiques ?

Sep 19, 2025 - 07:30
La vie extraterrestre pourrait-elle se nourrir de rayons cosmiques ?

Les rayonnements de haute énergie sont généralement néfastes pour la vie. Ils causent des mutations dangereuses, des dégâts cellulaires et, en trop grande quantité, la mort. Pourtant, sur Terre, quelques microbes spéciaux peuvent non seulement tolérer les radiations mais également s’en servir comme d’une source de nourriture. Et la vie sur d’autres planètes pourrait bien se maintenir grâce à un régime similaire.

Les rayons cosmiques galactiques, un type de rayonnement particulièrement dangereux, sont présents dans tout le cosmos, et certains mondes lointains sont constamment bombardés par ces particules. Jusqu’à présent, la plupart des chercheurs considéraient cette radiation comme nuisible à tout écosystème sain. Mais une nouvelle étude publiée le 28 juillet dans la revue International Journal of Astrobiology suggère que les organismes évoluant sous un bombardement constant de rayons galactiques sur d’autres planètes et sur d’autres lunes pourraient trouver un moyen d’exploiter ces rayons comme source d’énergie. Cette perspective élargit considérablement la liste des environnements susceptibles d’abriter la vie au-delà de la Terre ; le vivant pourrait ainsi s’épanouir loin de la chaleur d’une étoile, voire dans le vide froid de l’espace interstellaire.

« J’adore cet article », se réjouit Sara Seager, planétologue de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) n’ayant pas pris part aux recherches. « Il rassemble tous ces éléments concernant la façon dont les rayonnements de haute énergie peuvent être utiles et pas seulement nuisibles. J’ai trouvé que c’était extrêmement intelligent. »

 

D’OÙ LES RAYONS COSMIQUES GALACTIQUES VIENNENT-ILS ?

Lorsque les étoiles géantes arrivent en fin de vie, la fournaise thermonucléaire en leur cœur devient critique et les fait voler en éclats. De ces spectaculaires supernovae s’échappent des particules chargées, comme des protons, qui finissent par fuser à travers toute la Voie lactée. Ces particules chargées, des rayons cosmiques galactiques, peuvent avoir une énergie plusieurs milliards de fois supérieure à celle du photon moyen émis par le Soleil. Si des rayons cosmiques touchaient un organisme terrestre ordinaire, ils transperceraient sa chair comme des balles subatomiques ultra-rapides.

Comme les rayons cosmiques ont une charge électromagnétique, le champ magnétique géant de notre planète en dévie la plupart. Le reste s’écrase sur la haute atmosphère où ils dépouillent des molécules de leurs électrons et génèrent des réactions en chaîne qui produisent des pluies de particules moins énergétiques. Ainsi, les organismes se trouvant à la surface de la Terre sont en grande partie protégés des dégâts causés par les rayons cosmiques.

Mais sur les corps célestes n’ayant pas de magnétosphère robuste et dont l’atmosphère est quasi inexistante, voire absente, comme Mars ou Europe, une lune glacée de Jupiter, les rayons cosmiques frappent directement la surface. On considère souvent que de telles radiations stérilisent les environnements de ce type, mais il n’est pas insensé d’imaginer un résultat un peu différent.

 

TRANSFORMER DES RAYONS COSMIQUES EN NOURRITURE

Desulforudis audaxviator est un minuscule microbe présent dans les étendues d’eau d’une mine d’or sud-africaine, à quelques kilomètres sous terre. Là, dans les profondeurs obscures, il survit grâce à des sous-produits chimiques issus de la désintégration de minéraux radioactifs dans les roches environnantes, un processus nommé radiolyse.

« Vous avez ce microbe entouré de roches radioactives », explique Dimitra Atri, astrobiologiste à l’Université de New York à Abou Dhabi et co-auteur de la nouvelle étude. « Et cette radioactivité lui cuisine pour ainsi dire sa nourriture. »

Ce scénario a poussé Dimitra Atri et ses collègues à se demander ce qui se passerait lorsque des rayons galactiques frapperaient la surface de trois environnements extraterrestres : Mars, Europe et Encelade, une lune de Saturne. Leurs simulations informatiques ont montré que le rayonnement incident générerait des cascades de particules, comme dans la haute atmosphère terrestre, libérant des électrons pouvant servir de source d’énergie.

Des microbes appartenant au genre Geobacter peuvent par exemple développer des filaments conducteurs leur permettant de capturer des électrons. Rhodopseudomonas palustris, bactérie dévoreuse d’électrons, parvient elle aussi à exploiter les électrons de minéraux et de métaux pour se nourrir.

Selon les calculs de l’équipe de recherche, avec une telle source d’énergie, des milliers de microbes par centimètre carré pourraient potentiellement se développer à des profondeurs allant d’un demi-mètre à deux mètres sous la surface de ces trois environnements.

L’idée a été bien reçue dans la communauté des astronomes. « Il est important de sortir des sentiers battus », souligne Abel Méndez, astrobiologiste et directeur du Laboratoire de l’habitabilité des planètes de l’Université de Porto Rico qui n’a pris part aux présentes recherches. « Je pense que c’est quelque chose de bon à prendre en compte, surtout pour des corps lointains comme Europe et Encelade. »

 

QUELLES IMPLICATIONS POUR LA RECHERCHE DE VIE ?

La possibilité que des formes de vie extraterrestres obtiennent l’énergie dont elles ont besoin de rayons cosmiques élargit considérablement la zone habitable, la région autour d’une étoile où sa chaleur permet de maintenir l’eau à l’état liquide et de fournir l’énergie nécessaire à la photosynthèse. Non seulement des lunes glacées lointaines pourraient se trouver au sein d’une zone habitable radiolytique, mais également de planètes errantes expulsées de leur système solaire ou des objets tels que des astéroïdes voyageant entre les étoiles, puisque les rayons cosmiques se trouvent partout dans la galaxie.

« Du point de vue [des microbes], c’est un excellent environnement, explique Dimitra Atri. Vous êtes juste sous la surface et vous avez ce rayonnement constant qui vous prépare votre nourriture. »

Si la nouvelle étude constitue une démonstration de faisabilité chimique, à la fois Abel Méndez et Sara Seager mettent en garde quant au fait que la détection d’organismes se nourrissant de rayons cosmiques pourrait s’avérer compliquée. Ces microbes vivraient probablement au cœur de roches ou dans des profondeurs glacées et ne produiraient pas nécessairement de signes trahissant leur existence. Dimitra Atri pense que la meilleure façon de découvrir de tels animaux serait d’explorer le sous-sol d’une autre planète.

Mars est notre option la plus proche pour ce qui est d’un potentiel forage. Deux missions robotisées sur la planète rouge dont les lancements sont prévus pour 2028 emporteront des foreuses suffisamment grandes pour se mettre en quête de biomolécules provenant de microbes souterrains, passés ou actuels : le rover Rosalind Franklin, de l’Agence spatiale européenne, qui analysera des échantillons sur Mars, et la mission chinoise Tianwen-3, qui devrait rapporter des échantillons sur Terre en 2031. Ces deux missions pourraient permettre de savoir si une cuisine aux rayons cosmiques est au menu sur Mars.