Découverte d’un nouveau mégaraptor tenant dans sa gueule son dernier repas

Sep 25, 2025 - 07:20
Découverte d’un nouveau mégaraptor tenant dans sa gueule son dernier repas

Alors que le grand Tyrannosaurus rex terrorisait l’Amérique du Nord préhistorique, un autre superprédateur, d’un genre bien différent, rôdait là où se trouve aujourd’hui l’Argentine : Joaquinraptor casali, une espèce tout juste découverte.

Quand les paléontologues ont mis au jour ce dinosaure, ils ont fait une découverte des plus intrigantes : coincé entre ses mâchoires imposantes se trouvait un os de patte de crocodile du Crétacé. Cette découverte offre un aperçu de ce qui fut peut-être le dernier repas de ce carnivore mort il y a 70 millions d’années.

« Un comportement fossilisé, si c’est bien de cela qu’il s’agit, est une chose si rare qu’il faut la fêter lorsqu’elle se présente », se réjouit Matthew Lamanna, paléontologue du Musée Carnegie d’histoire naturelle de Pittsburgh, en Pennsylvanie, et explorateur National Geographic.

En plus du crâne de ce mégaraptor, l’équipe de Matthew Lamanna a également mis au jour ses bras, des parties de ses jambes, quelques côtes, des vertèbres et d’autres morceaux pétrifiés. Selon leurs estimations, Joaquinraptor mesurait plus de sept mètres de long et pesait plus d’une tonne. Il balançait probablement son museau allongé vers ses proies et attrapait de quoi grignoter à l’aide de ses bras trapus terminés par des griffes courbées extraordinairement longues. Matthew Lamanna et ses collègues ont décrit cette nouvelle espèce mardi dans la revue Nature Communications.

Joaquinraptor, bien que représenté uniquement par un squelette partiel, fait partie des mégaraptors les plus complets à ce jour. Et la découverte de l’un de ces dinosaures rares avec un potentiel repas dans la bouche est encore plus inattendue. Les fossiles qui révèlent ce que les animaux préhistoriques mangeaient sont rares. Lorsque l’on en trouve, ils fournissent des indices précieux sur la vie et l’écologie des espèces éteintes. Les paléontologues en ont déjà vu quelques exemples, comme des tyrannosaures avec un une prédilection pour les membres postérieurs et un mosasaure avec des morceaux de poisson dans les entrailles. 

 

DES MÉGARAPTORS MYSTÉRIEUX

En 2019, Lucio Ibiricu, paléontologue de l’Institut patagonien de géologie et de paléontologie, en Argentine, prospectait des roches du Crétacé de la province de Chubut, dans le centre de la Patagonie, dans l’espoir d’y découvrir de nouveaux sites fossilifères. Durant ses recherches, son collègue Bruno Alvarez a aperçu un petit fragment d’os qui dépassait de la roche. L’endroit semblait prometteur, et quelques mois plus tard, les chercheurs sont revenus pour dégager précautionneusement ce qui était enfoui là.

« À ce moment-là, nous nous sommes rendu compte que la découverte était l’une des plus importantes pour l’équipe », se souvient Lucio Ibiricu. Les os du crâne et des bras ne laissaient aucun doute quant au fait qu’il s’agissait d’un fossile de mégaraptor, un groupe énigmatique de prédateurs ayant vécu à la Préhistoire en Asie, en Australie et en Amérique du Sud.

Ces dinosaures déroutent les paléontologues depuis que le genre Megaraptor lui-même a été nommé en 1998. Comme leur nom l’indique, ils sont plus gros que les « raptors » à proprement parler, comme Velociraptor, qui fait la taille d’un dindon. Ces dinosaures avaient des museaux longs et bas et des bras trapus dotés de grosses griffes intimidantes. Selon les paléontologues, ils pourraient être de proches cousins des tyrannosaures mais vivaient dans des habitats où les tyrannosaures étaient absents. À ce jour, la plupart des espèces de mégaraptors ne sont connues qu’à partir de restes fragmentaires.

« Les mégaraptors restent mystérieux principalement parce que la plupart de leurs fossiles sont très abîmés », explique Matthew Lamanna. Les fossiles sont « suffisamment complets pour nous montrer que ces dinosaures prédateurs extraordinaires existaient, mais pas assez pour nous renseigner beaucoup sur eux. »

Alors que les premiers mégaraptors datent d’il y a 132 millions d’années, Joaquinraptor fut l’un des derniers. Il vécut à un moment donné entre 66 et 70 millions d’années avant le présent, à la toute fin du Crétacé avant l’extinction provoquée par un astéroïde qui mit fin à l’âge d’or des dinosaures.

« Cette nouvelle découverte apporte des nouveautés intéressantes concernant la survie des dinosaures mégaraptoridés jusqu’à la toute fin du Mésozoïque », explique Fernando Novas, paléontologue du Musée argentin des sciences naturelles Bernardino Rivadavia. Si Fernando Novas a déjà par le passé découvert une autre espèce de mégaraptor, Maip macrothorax, également en Argentine, il ne fait toutefois pas partie de l’équipe qui a découvert Joaquinraptor. La nouvelle espèce, observe-t-il, montre que les mégaraptors furent nombreux et divers en Amérique du Sud jusqu’à la fin du Crétacé.

 

LE DERNIER REPAS DU DINOSAURE 

Joaquinraptor était sans aucun doute un superprédateur qui chassait dans les forêts intérieures du sud de l’Argentine. Mais était-il vraiment en train de manger un crocodile juste avant de mourir ?

Il est possible que l’os de crocodile soit arrivé entre les mâchoires du crocodile par accident. Cependant, si des eaux rapides avaient mélangé les restes de plusieurs animaux, le site fossile aurait contenu un méli-mélo d’ossements. Or, les os des bras de Joaquinraptor ont été découverts en articulation partielle, proches les uns des autres, encore reliés pour certains. La position quasi naturelle de ces os suggère que le courant qui a enfoui le fossile n’était pas particulièrement fort et qu’il est donc moins susceptible d’avoir acheminé d’autres os provenant de zones environnantes.

Selon l’équipe, des études sont en cours, mais la façon dont les os du dinosaure se sont déposés suggère que le crocodile a bel et bien servi de repas et qu’il ne s’est pas échoué là par hasard. Mais s’il s’agit simplement d’une coïncidence « alors dame Nature nous joue un tour cruel à Lucio, à moi-même et à nos co-auteurs, car plusieurs aspects de cette association dinosaure-crocodile sont très étranges », plaisante Matthew Lamanna.

Lucio Ibiricu ajoute qu’il n’y avait pas d’autres os que ceux du crocodile découverts près de Joaquinraptor, ce qui augmente les chances que le dinosaure ait effectivement été enfoui avec son dernier repas.

« C’est un aspect sensationnel de la découverte, explique Fernando Novas. Et j’imagine que cela pourrait constituer un instantané photographique de l’interaction écologique entre deux groupes prédateurs. »

Le mois dernier, Fernando Novas et ses collègues ont décrit un nouveau crocodile de la fin du Crétacé nommé Kostensuchus atrox issu de sédiments rocheux datant de la même époque à peu près que Joaquinraptor. Peut-être s’agit-il du type même de crocodile qui a fini en bouchée dans la gueule du mégaraptor…