Présidentielle 2026 au Bénin : l’autogoal fatal du principal parti d’opposition
Au Bénin, la messe est dite pour le parti Les Démocrates. La journée du lundi 27 octobre 2025, qui portait tous les espoirs du retour du parti dans le processus électoral, a tourné au vinaigre. La Cour constitutionnelle a définitivement scellé le sort du principal parti d’opposition en confirmant l’élimination de son duo de candidats à l’élection présidentielle d’avril 2026. Bataille interne, divisions, guerre de leadership, comment le parti de Boni Yayi s’est sabordé.
Présidentielle 2026 au Bénin : les coulisses de l’élimination de « Les Démocrates », principal parti d’opposition
Bis repetita ! Comme en 2021, le parti Les Démocrates ne sera pas à l’élection présidentielle d’avril 2026 au Bénin. Une fois encore, le système de parrainage a eu raison de l’ancien président Boni Yayi et de son camp. Contrairement à la présidentielle de 2021, où le parti ne comptait aucun parrain, cette fois-ci il en a disposé, du moins ce qu’il faut pour ne pas être éliminé. Un acquis qui s’est révélé fragile au moment où il faut faire acte de candidature. « Nous avons tout donné jusqu’au bout, hélas, c’était sans compter avec les ambitions démesurées d’un seul homme face au rêve de tout un peuple », a écrit Guy Dossou Mitokpè, secrétaire à la communication du parti.
En 2023, Les Démocrates participent à sa première élection depuis sa création. Une entrée en matière en grande pompe avec un score inattendu. Au soir des élections législatives de janvier 2023, le parti a été crédité de 28 députés. À cette époque, les lois électorales béninoises exigeaient de tout candidat à l’élection présidentielle au Bénin d’obtenir les parrainages d’au moins 10 % de l’ensemble des élus maires et députés. Jusque-là, tout va bien. Avec ses 28 élus, le parti était rassuré de fournir le nombre de fiches de parrainage exigées.
A lire aussi : Bénin : la Cour constitutionnelle valide le nouveau Code électoral
Mais en 2024, une réforme du Code électoral, portée par la majorité parlementaire, porte le parrainage de 10 % (16 parrains) à 15 % (28 parrains) des élus maires et députés. Les 15 % représentent exactement les 28 députés dont dispose le parti d’opposition. Minoritaires au Parlement, ils ont subi cette révision du Code électoral qui, d’ores et déjà, les a mis dans un inconfort, une insécurité totale.
Nul ne peut être candidat aux fonctions de président de la République ou de vice-président de la République s’il n’est dûment parrainé par un nombre de députés et/ou de maires correspondant à au moins quinze pour cent (15 %) de l’ensemble des députés et des maires et provenant d’au moins trois cinquièmes (3/5) des circonscriptions électorales législatives. Article 132 nouveau du Code électoral en vigueur au Bénin
La seule option qui s’imposait au parti était de garantir une cohésion interne pour éviter des défections. Avec 28 députés, une seule défection met le parti en difficulté. Ils en étaient tous conscients, mais les démons de la division semblent avoir pris le dessus au dernier moment.
Désignation du duo candidat dans un contexte de division interne
Pour faire preuve de transparence et assurer le consensus autour de son duo candidat, le parti décide d’ouvrir une procédure démocratique pour procéder à la désignation. Un appel à candidatures a été lancé et géré par une commission interne.
À l’arrivée, 34 candidats à la candidature ont été enregistrés. Il faut maintenant faire le tri et aboutir à un duo unique. Deux clans se sont formés : l’un autour du député Éric Houndété et l’autre autour de Renaud Agbodjo, l’avocat peu connu sur la scène politique béninoise.
Les divergences ont éclaté le dernier jour de dépôt des dossiers, mais selon des indiscrétions, la bataille était déjà vive à l’interne des jours avant. En témoigne le recours formulé par le député Éric Houndété contre le parti, qu’il accuse de vouloir l’écarter sous prétexte d’un risque lié à l’auto-parrainage.
A lire aussi : Bénin : Renaud Agbodjo, comment l’avocat est devenu candidat du parti Les Démocrates
Dans un imbroglio total, le parti désigne l’avocat Renaud Agbodjo comme candidat au poste de président de la République et Judes Lodjou comme colistier. Mais le député Michel Sodjinou a dit niet. Il s’oppose à la désignation et demande à retirer sa fiche de parrainage qu’il avait pourtant volontairement donnée. Absent au siège du parti et difficilement joignable, il a commis un huissier de justice pour lui récupérer sa fiche. Le nombre de fiches détenues par le parti a été réduit à 27 par une décision de justice et une autre de la Commission électorale nationale autonome (CENA) qui a annulé le formulaire du député dissident.
Le député Sodjinou intransigeant, le parti dans le gouffre
Michel Sodjinou n’a voulu rien savoir. Il est resté intransigeant sur sa décision, accusant Boni Yayi de régionalisme et de gestion opaque à la tête du parti. Les nombreuses requêtes portées devant le juge du contentieux électoral n’ont pas été favorables. La Cour constitutionnelle a estimé que le rejet de la candidature du parti Les Démocrates n’est ni une violation de la Constitution, ni du Code électoral. Elle a ajouté que « la remise du formulaire ne vaut pas parrainage », pour signifier que le député Michel Sodjinou était en droit de se rétracter.
Au sein de l’opinion, des voix accusent le régime d’être la main invisible qui aurait téléguidé le député dans sa manœuvre. Une accusation catégoriquement rejetée par le porte-parole du gouvernement. « Si on s’habitue à battre sa coulpe sur la poitrine des autres, chaque fois qu’on est en situation difficile, c’est ne jamais faire l’exercice d’honnêteté envers soi-même, de reconnaître ses torts, de chercher à les corriger pour s’améliorer à l’avenir. Donc faire toujours porter la responsabilité de ses déboires aux autres, ça n’est pas, de mon point de vue, une attitude responsable », a indiqué Wilfried Léandre Houngbédji.
Si l’opposition n’a pas su gérer ses contradictions avec efficacité, ce n’est pas au gouvernement qu’il faut en faire porter la responsabilité.
Selon le porte-parole du gouvernement béninois, il y a également des divergences au sein de la mouvance présidentielle qui ont été gérées au mieux. « Au niveau de la mouvance, on ne peut pas dire que nous n’avons pas non plus nos contradictions, nos divergences. Mais nous avons fait l’effort, nous, de les gérer au mieux et de dégager un duo de candidatures qui soit suffisamment compatible pour tous », a-t-il confié.
En réaction à la décision de la Cour constitutionnelle, Renaud Agbodjo a reconnu avoir été « victime de dysfonctionnement interne dans mon parti politique et d’adversité coupable ».
L’élimination du principal parti d’opposition ouvre le boulevard pour Romuald Wadagni, candidat de la mouvance. Le ministre d’État de l’Économie et des Finances va affronter Paul Hounkpè de la FCBE, un parti de l’opposition modérée qui a signé des accords avec les partis de la mouvance.