Les mushroom ladies : ces passionnées qui ont lancé la mode des champignons au 19e siècle

Août 1, 2025 - 13:20
Les mushroom ladies : ces passionnées qui ont lancé la mode des champignons au 19e siècle

Beaux, repoussants, délicieux ou mortels, voici quelques-uns des multiples termes utilisés pour décrire les champignons. Eux qui font partie des organismes les plus mystérieux et fascinants de notre planète sont devenus plus populaires que jamais en 2020, lorsque la pandémie nous a forcés à retourner à la nature. Et nous sommes tombés amoureux des champignons que nous trouvions pendant nos balades.

Mais aujourd’hui, il est facile de repérer un champignon même si vous ne vous promenez pas dans les bois. Les champignons sont de toute évidence entrés dans nos vies, que ce soit sous la forme de bijoux, de décorations pour la maison, d’innovations en matière de développement durable, de tendance culinaire ou bien-être. Et tout cela grâce à des femmes.

Les « mushroom ladies » (les femmes aux champignons, en français) sont les précurseurs de ce nouvel engouement pour les champignons. Gabrielle Cerberville, la « Mushroom Auntie » (la Tante des champignons), compte plus d’un million d’abonnés sur TikTok et publie des vidéos dynamiques ou « chaotiques » des trouvailles qu’elle fait lors de ses cueillettes de champignons. Alexis Nikole, surnommée la « Black Forager » (la Cueilleuse noire) rencontre aussi beaucoup de succès sur TikTok et Instagram, où elle compte respectivement 4,5 millions et 1,8 million d’abonnés. Giuliana Furci, la première mycologue chilienne à étudier les champignons non lichénisés, est la directrice fondatrice de la Fungi Foundation et exploratrice National Geographic. Elle compte 125 000 abonnés sur Instagram.

Toutes ces femmes ne sont pas les premières « mushroom ladies » ; elles en sont la dernière génération.

 

LES PREMIÈRES « MUSHROOM LADIES »

Au 19e siècle, des femmes comme Mary Elizabeth Banning, Beatrix Potter, Anna Maria Hussey et Marie-Anne Libert étaient passionnées par les champignons. En dépit de leurs obligations domestiques et familiales, ainsi que des obstacles mis en place par les institutions scientifiques, ces femmes ont décrit et découvert seules des espèces de champignons.

Alors qu’elle était très occupée à soigner sa mère âgée et sa sœur malade, Mary Elizabeth Banning (1822-1903) a pris le temps d’aller dans les bois pour cueillir des champignons. Elle en a collecté dans tout le Maryland (États-Unis), qu’elle a rassemblés dans un impressionnant catalogue de ses découvertes incluant 175 illustrations à l’aquarelle et des descriptions, ainsi que des espèces nouvelles pour la science (elle est d’ailleurs devenue la troisième femme à identifier de nouvelles espèces). Son travail est cependant resté inconnu jusqu’à ce qu’il soit découvert 100 ans plus tard, alors même que Mary Elizabeth Banning correspondait fréquemment avec le mycologue de renom Charles H. Peck, auquel elle avait confié son manuscrit. Son livre est désormais exposé au New York State Museum, à Albany (États-Unis).

 

DE PIERRE LAPIN AUX CHAMPIGNONS

Helen Beatrix Potter (1866-1943) est connue pour ses livres et illustrations pour enfants, à l’instar de Pierre Lapin, mais rares sont ceux qui savent qu’elle avait une passion pour les champignons. Au fil des années, à l’occasion de voyages en famille dans la campagne écossaise, l’écrivaine a réalisé 350 peintures de champignons et lichens divers et variés.

Si son intérêt pour les champignons est né de son appréciation de leur complexité et de leur beauté, Beatrix Potter s’est rapidement plongée dans la science de la mycologie à travers des peintures de plus en plus détaillées, dont des représentations microscopiques des spores des champignons, que d’autres mycologues amateurs utilisaient à des fins d’identification. L’écrivaine a été acceptée pour étudier la mycologie au Royal Botanical Gardens de Kew, à Londres, et a présenté un article de recherche à la Linnean Society of London. Malheureusement, il lui a été interdit d’assister à la procédure et à la présentation types des articles en raison de son sexe.

Tandis que son mari, pasteur et passionné d’astronomie, regardait le ciel, Anna Maria Hussey (1805-1853) observait le sol forestier en tant qu’esprit indépendant et mycologue en herbe. Elle qui avait trois enfants à la maison désapprouvait les attentes imposées aux mères et épouses. Prouvant que les femmes pouvaient être bien plus que de simples épouses au foyer, elle a tenu son rang de gagne-pain grâce à la vente de ses illustrations mycologiques. Alors qu’Anna était l’une des premières femmes autorisées à participer à des réunions scientifiques, elle a souvent dû publier sous le nom de son époux. Elle a finalement fini par publier sous son nom son livre Illustrations of British Mycology (Illustrations des champignons du Royaume-Uni), qui regorgeait de conseils pour identifier les champignons et préparer ceux qui étaient comestibles.

Si vous avez entendu parler du mildiou de la pomme de terre, responsable de la grande famine irlandaise de 1845 à 1849, le nom de Marie-Anne Libert (1782-1865) vous dit peut-être quelque chose. Elle a été l’une des premières personnes à identifier le micro-organisme semblable à un champignon responsable de cette maladie qui attaquait les plantes. Née dans une famille nombreuse, Marie-Anne a impressionné son père avec son potentiel académique alors qu’elle était toute petite. Les femmes n’étant pas admises à l’université à l’époque, son père a veillé à ce qu’elle reçoive une éducation. Grâce à cette réflexion progressiste et à la persévérance de Marie-Anne qui a étudié le latin et lu la littérature scientifique sur les plantes, cette dernière est devenue la deuxième femme à nommer un taxon fongique. Elle a également découvert plus de 200 nouveaux taxons au cours de sa vie.

Si elles étaient encore en vie aujourd’hui, nous pouvons supposer que Beatrix Potter prendrait des compléments alimentaires à base d’hydne hérisson, que Mary Elizabeth Banning porterait des chaussures en cuir de champignon, qu’Anna Maria Hussey lirait à côté d’une lampe champignon et que Marie-Anne Libert partagerait sur Instagram sa dernière trouvaille.

Malgré les nombreux obstacles auxquels elles ont été confrontées, ces femmes ont fortement influencé et contribué aux avancées dans le domaine mycologique, ainsi qu’à la popularité actuelle des champignons sous toutes leurs formes. Et le travail des « mushroom ladies » est loin d’être terminé. Les scientifiques estiment qu’il existe entre 2,2 et 3,8 millions d’espèces dans le monde, mais que seuls 10 % d’entre elles ont été décrites. S’ils suivent l’exemple de leurs précurseurs, les passionnés de champignons de nos jours ont encore beaucoup à découvrir.