Migration aux États-Unis : à quoi ressemblait la vie à Ellis Island au plus fort de son activité ?

De 1892 à 1954, la plupart des immigrés arrivant aux États-Unis durent passer par le centre de contrôle d’Ellis Island, à New York. Pour ceux qui fuyaient la pauvreté et la guerre, cette « île des pleurs » était également l’île de l’espoir et le symbole d’une vie nouvelle.
ARRIVÉE AUX ÉTATS-UNIS
Cette photo des années 1930 montre Ellis Island, dos à Manhattan, et les tours aux coupoles de cuivre de son bâtiment principal, construit en 1900 après l’incendie de l’édifice précédent. La baie d’amarrage du ferry s’enfonce dans l’île par la droite. Au bord de la baie d’amarrage se trouve l’hôpital et, à l’avant-plan, les bâtiments administratifs. Ellis Island fut convertie en centre de transit pour les immigrés en 1892 après le vote d’une loi en 1891 donnant au gouvernement fédéral le contrôle sur l’immigration, auparavant prérogative individuelle des États. Même si d’autres villes accueillaient des migrants, New York était la principale porte d’entrée dans le pays. Durant ses soixante-deux années d’activité, le centre d’Ellis Island vit transiter des millions d’immigrants sur le chemin d’une nouvelle vie. À partir du milieu des années 1920, l’accueil des immigrants se fit surtout à Manhattan. On ferma le centre d’Ellis Island en 1954. Après une vaste restauration, le Musée de l’immigration d’Ellis Island ouvrit ses portes en 1990.
UN CONTRÔLE EN SIX SECONDES
Une femme et ses enfants passent un examen médical sur cette photo prise en 1907. Seuls les immigrants qui avaient voyagé dans les conditions souvent insalubres de la troisième classe (l’entrepont) étaient soumis à une inspection à Ellis Island ; on présumait sains les passagers plus aisés des première et deuxième classes. En 1896, 200 000 personnes arrivaient chaque année à Ellis Island. En 1905, ce nombre était de 900 000. On dut donc recruter toujours plus de médecins pour effectuer ces examens. Ceux-ci avaient lieu après que les nouveaux arrivants avaient déposé leurs bagages et s’étaient soumis à un interrogatoire préliminaire. Bien que ces examens fussent bâclés, ne durant parfois pas plus de six secondes, les médecins pouvaient tout de même observer les immigrants alors qu’ils montaient les escaliers et repérer ceux qui boitaient ou étaient essoufflés. On en envoyait un petit nombre à l’hôpital de l’île. Entre 1896 et 1920, seule une minuscule fraction des immigrants fut rapatriée en raison d’une mauvaise santé.
LA NOURRITURE DU NOUVEAU MONDE
Cette photographie d’immigrants dans le réfectoire d’Ellis Island fut prise vers 1900. De nombreux arrivants n’avaient tout simplement pas besoin de manger ici, car l’examen médical et l’entretien légal ne prenaient que trois à quatre heures. Mais pour ceux qui devaient rester sur l’île pour régler des problèmes liés à leur dossier, le réfectoire constituait un point central du quotidien. Un rapport du commissaire adjoint sur les conditions de vie sur l’île indique que le lundi 19 novembre 1906, les arrivants juifs de ce jour-là déjeunèrent d’un ragoût de bœuf avec des pommes de terre, de pain et de « hareng fumé ou mariné ». Pour de nombreux détenus, ces repas étaient souvent l’occasion de se familiariser avec l’alimentation américaine. Une immigrante italienne du nom d’Oreste Teglia se souvient de sa perplexité devant son bol de porridge à Ellis Island, en 1916, alors qu’elle n’était qu’une enfant : « Je ne savais pas ce que c’était […] Je n’arrivais pas à me résoudre à le manger. Donc je l’ai posé sur le bord de la fenêtre et j’ai laissé les oiseaux s’en occuper. »
LES BÂTISSEURS DES ÉTATS-UNIS
Cette famille anonyme, contemplant sa vie future à Manhattan et au-delà depuis Ellis Island, fut photographiée en 1925. À ce moment, l’opposition à l’immigration avait donné naissance à des lois imposant des quotas d’entrées, ce qui avait entraîné une baisse des arrivées. À partir de 1924, le nombre d’immigrants transitant par Ellis Island était négligeable. L’île servit principalement de centre de détention pour les personnes en instance d’expulsion jusqu’à sa fermeture en 1954. Malgré la joie de nombreux immigrants lorsqu’ils étaient admis sur le sol américain, beaucoup vécurent des années marquées par la pauvreté et la discrimination. Des études montrent néanmoins que l’afflux migratoire du début du 20e siècle fournit une main-d’œuvre essentielle à la transition des États-Unis d’une économie agricole vers une économie industrielle. Et un certain nombre de personnes passées par Ellis Island furent à l’origine de contributions majeures qui firent briller les États-Unis dans le monde : Irving Berlin, compositeur et parolier d’origine biélorusse ; Frank Capra, réalisateur d’origine italienne ; Max Factor, cosméticien d’origine polonaise ; Isaac Asimov, écrivain d’origine russe ; Abraham Beame, ancien maire de New York et réfugié juif originaire d’Angleterre.