Un "bébé à poils" : pour votre cerveau, traiter votre chien comme un enfant est parfaitement normal

Juillet 16, 2025 - 14:30
Un "bébé à poils" : pour votre cerveau, traiter votre chien comme un enfant est parfaitement normal

Arrêtez-vous un instant et plongez votre regard dans celui de votre chien. Vous sentez-vous submergé par l'amour que vous lui portez ? Ressentez-vous une envie incontrôlable de le serrer dans vos bras ?

Pensez à présent à vos habitudes. Est-ce que vous le faites garder la journée, est-ce que vous le couvrez pour sortir lorsqu'il fait froid, est-ce que vous l’emmenez avec vous en vacances ? Lui parlez-vous comme à un bébé ?

Si c’est le cas, vous n’êtes pas seul. Après tout, les recherches montrent que nos cerveaux répondent de la même façon à la vue d’un animal de compagnie qu’à celle d’un enfant.

Nous n’avons pas toujours fonctionné ainsi. Mais à mesure que nous avons domestiqué les chiens, ils ont développé des capacités sociales et cognitives presque humaines. Ils ont commencé à agir et même à ressembler à des bébés, et nos cerveaux les ont considérés comme tels.

C’est pourquoi Zachary Silver, directeur du laboratoire de cognition canine de l’Occidental College, à Los Angeles, n’est pas du tout étonné que les propriétaires de chiens tiennent tant à leurs amis à quatre pattes. En vérité, l’inverse le surprendrait plus. « Les chiens d’aujourd’hui ont été soigneusement sélectionnés au cours de milliers d’années d'évolution : ils sont gentils, affectueux et adaptés à nos besoins », explique-t-il.

Alors si l’on s’est déjà moqué de vous parce que vous traitiez votre chien comme votre enfant, sachez qu’il y a 20 000 à 40 000 ans d’évolution qui se cachent derrière ce comportement.

 

LE CERVEAU CONSIDÈRE UN CHIEN COMME UN ENFANT

Alison LaCoss est mère de trois enfants. À leur naissance, elle a ressenti un désir débordant de les aider et de les protéger. Un phénomène similaire s’est produit quand elle a adopté Shio, un chien des Pyrénées d’un an et Babka, un grand caniche.

« J’ai ressenti une nuée d’émotions. Devant moi se trouvaient ces créatures si mignonnes et adorables que je voulais soudain aimer et protéger », se rappelle-t-elle. « J’avais l’impression qu’ils étaient mes bébés. »

Le comportement d’Alison n’est pas une anomalie. Une étude menée en 2014 exploitant des imageries du cerveau a fourni d’importants indices qui l’expliquent. Pour découvrir ce qui pousse les propriétaires d’animaux à éprouver des sentiments si intenses pour leurs chiens, des chercheurs de l’université d’Harvard ont recruté un petit groupe de mères qui avaient au moins un enfant âgé de deux à dix ans, ainsi qu’un chien qu’elles avaient depuis au moins deux ans. Les mères ont passé des examens IRM et ont regardé des images variées de chiens et d’enfants, certaines étaient les leurs, et d’autres non.

Les chercheurs ont découvert un chevauchement important entre les expériences émotionnelles d’une relation entre une mère et son enfant et entre une mère et son chien. L’amygdale, une zone du cerveau qui régit la formation de relations et le système de récompense, s’activait lorsque les femmes regardaient des photos de leur chien et de leur enfant. Le même effet a été observé sur l’hippocampe, le thalamus et le gyrus fusiforme, des parties du cerveau impliquées dans la mémoire, la cognition sociale et le traitement visuel et facial.

« Les zones du cerveau liées à l’attachement, l’amour et les relations étaient stimulées de manière similaire », explique Niwako Ogata, professeure associée d’éthologie de la faculté de médecine vétérinaire et l’université de Purdue. Elle étudie les relations entre les humains et les chiens. Les femmes ont également confié ressentir des niveaux similaires de plaisir et de joie lorsqu’elles regardaient des photos de leurs enfants et de leurs chiens. Les résultats de l'observation « révèlent qu’il doit exister une connexion spéciale avec notre chien », ajoute Niwako Ogata.

Il existait certaines distinctions spécifiques. Des parties du mésencéphale, également liées à la récompense, étaient plus actives lorsque les mères regardaient des photos de leurs enfants humains que quand il s’agissait de photos de leurs chiens. Bien qu’il semble donc exister une forte connexion, un amour et un attachement entre les mères et leurs chiens, le cerveau reconnaît tout de même qu’il s’agit d’une espèce différente, déclare Niwako Ogata.

Alison LaCoss explique qu’elle se sent particulièrement fière de voir ses enfants grandir et se développer. « Il y a un grand sentiment de récompense lorsque l’on voit son enfant accomplir quelque chose. Les chiens ne font pas pareil », explique-t-elle. Mais elle n’en aime pas moins Shio et Babka ; elle ressent le même désir intense de subvenir à tous leurs besoins.

« Presque systématiquement, les chiens provoqueront la même réponse neurologique que les enfants humains », explique Zachary Silver. Ce fait suggère un attachement profond. « La relation que l’on entretient avec nos chiens a presque franchi la frontière d’importance qu’a une personne de notre famille ».

 

LES BÉBÉS ET LES CHIENS PROVOQUENT LA SÉCRÉTION DES MÊMES HORMONES DANS LE CERVEAU

Autre preuve : le cerveau sécrète les neurotransmetteurs du bonheur quand nous passons du temps avec notre chien.

Lorsque nous regardons une personne à laquelle on tient dans les yeux ou qu'on l’enlace, peu importe s’il s’agit d’une personne dont on est amoureux, d’un enfant ou d’un ami proche, nos corps produisent de l’ocytocine, une hormone responsable de l’attachement, de l’affection et du sentiment de connexion. L’ocytocine joue un rôle important dans la relation entre un parent et son enfant. Par exemple, quand un parent tient son bébé nouveau-né dans ses bras, les niveaux d’ocytocine augmentent, les encourageant à répéter ce comportement, ce qui mène à une production encore plus importante de l’hormone, explique Zachary Silver.

Un phénomène similaire se produit avec les chiens, continue le scientifique. De nombreuses études ont découvert que les humains tout comme les chiens vivent une montée d’ocytocine en se regardant, jouant, parlant et se câlinant les uns avec les autres. Nous répétons alors ces actions qui nous fournissent de l’ocytocine en continu, renforçant nos liens.

Comme le déclare une étude, les chiens ont détourné les voies des liens affectifs des humains. Lorsque votre chien vous regarde avec des yeux de cocker ou qu’il trottine vers vous quand vous l’appelez par son nom, votre corps secrète de l’ocytocine, ce qui provoque la même réponse biologique qui nous pousse à prendre soin de nos enfants. Nous voulons ainsi répondre à tous leurs besoins, explique Niwako Ogata.

C’est un comportement qu’Alison LaCoss connaît bien. Elle s’occupe de Shio et de Babka comme s’ils étaient humains. Elle les emmène chaque mois se faire toiletter, elle a pris un abonnement mensuel BarkBox (un service qui propose des produits, des friandises et des jouets pour chiens) et paie chaque mois une mutuelle pour les soins vétérinaires. Les chiens ont le droit de dormir où ils le souhaitent dans sa maison, même sur les lits. Elle emmène Shio et Babka en vacances avec toute la famille mais les rares fois où ils ne sont pas de la partie, les chiots sont hébergés dans un chenil avec une télévision dans chaque « suite ». Elle a acheté sa maison spécifiquement pour son jardin clôturé. « Je suis éperdument attachée à ces animaux », avoue Alison.

 

LES TRAITS CANINS QUI NOUS FONT LES AIMER COMME DES ENFANTS

L’adoration que nous ressentons pour nos chiens peut être retracée jusqu’à leur domestication, déclare Federico Rossano, directeur du laboratoire de cognition comparative de l’université de Californie à San Diego.

Depuis toujours, les humains ont choisi des chiens qui avaient un tempérament facile et coopératif. Nous récompensions ceux qui étaient attentifs à nos yeux et à nos visages pour obtenir des indices visuels de nos demandes et des conseils pour leur bon comportement.

Nous avons également favorisé les traits qui les faisaient apparaître plus humains. À l’inverse de leurs prédécesseurs qui avaient de longs museaux et des crânes effilés, les chiens modernes ont des têtes rondes, de grands yeux et des joues rebondies, décrit Federico Rossano. Ils possèdent également un muscle au niveau de leurs sourcils internes qui leur permet d’adopter des expressions faciales qui ressemblent à celles de la tristesse, de la curiosité ou de la joie chez les humains. « Les humains s’orientent par la vision, déclare Niwako Ogata, alors les stimuli visuels comme les expressions faciales provoquent d’importantes réactions émotionnelles. » Comme le montre une autre étude d’imagerie, le cerveau réagit de façon similaire aux expressions faciales humaines et canines.

En d’autres termes, les chiens sont très mignons, à l’instar des bébés, du moins à en croire notre cerveau, explique Federico Rossano. Ils jouent également comme des enfants : ils courent après des balles et se baladent à travers la maison avec des peluches. Ils pensent aussi comme des enfants. Après tout, ils ont les capacités cognitives d’enfants de deux à trois ans, continue le scientifique. Et, comme le suggère une étude, de nombreuses personnes considèrent les chiens comme des créatures vulnérables qui, comme les bébés humains, ne sont pas entièrement capables de se défendre seuls.

Si vous êtes le parent d’un animal de compagnie, vous n’avez pas besoin d’un scanner cérébral ou d’une analyse sanguine pour prouver que le lien humain/chien est analogue au lien parent/enfant. 

Alison LaCoss affirme que, même s’ils n’iront jamais à l’école, elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour Shio et Babka : les bien les nourrir, les garder en sécurité et en bonne santé. Ils sont des membres de sa famille pour lesquels elle se sent pleinement responsable. « Ma maison ne serait pas la même sans eux », conclut-elle.