Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara dans l’œil du cyclone – Analyse

Juin 8, 2025 - 09:10
Juin 8, 2025 - 09:40
Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara dans l’œil du cyclone – Analyse

Suite aux décisions controversées de l’administration d’Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire semble de nouveau frôler une grave crise politique. Laurent Gbagbo, avec ses propos bien assurés à Port-Bouët, annonce clairement que la crise voulue par ses adversaires aura bel et bien lieu.

Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara déjà cerné ?

Le président Alassane Ouattara semble avancer vers un quatrième mandat, en contradiction avec les dispositions constitutionnelles de la Côte d’Ivoire. Pire encore, son administration a, par des décisions opaques, empêché la participation des principaux leaders charismatiques à la prochaine élection présidentielle. Si tout laisse penser qu’il pourrait à nouveau échapper aux conséquences légales, comme en 2020, les récents bouleversements du paysage politique ivoirien pourraient bien le contraindre à revoir ses plans.

En 2020, pour justifier sa candidature jugée illégale, le président Ouattara avait invoqué un cas de force majeure. L’opposition, via la CNT, avait tenté de s’y opposer, mais sans succès. Une tentative insuffisamment préparée, tant sur le plan opérationnel que diplomatique. Et surtout, Laurent Gbagbo était encore absent de la scène politique. Celui que beaucoup considèrent comme l’homme politique le plus populaire de Côte d’Ivoire. Cette fois-ci, tous les ingrédients semblent réunis pour ébranler le navire RHDP, malgré sa solidité apparente ces dernières années.

En effet, grâce au travail méthodique de Tidjane Thiam à l’international, la France ne soutient plus Alassane Ouattara. Ce dernier, rappelons-le, n’aurait sans doute jamais pu prendre le pouvoir face à Laurent Gbagbo sans le soutien actif de la France de Nicolas Sarkozy – lequel a depuis interpellé Ouattara sur l’inutilité d’un 4e mandat (Source Afrique Intelligence)- , qui l’a épaulé sur tous les fronts. Avec Emmanuel Macron, le ton a changé. Le président français s’était déjà exprimé en faveur d’un retrait de Ouattara dès 2020, saluant sa décision (finalement non tenue) de ne pas briguer un nouveau mandat.

Tweet du 5 mars 2020 : « Je salue la décision historique du Président @AOuattara_PRCI, homme de parole et homme d’État, de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle. Ce soir, la Côte d’Ivoire donne l’exemple. »

Il aura fallu plusieurs mois et de nombreuses missions diplomatiques pour que Macron accepte finalement de continuer à collaborer avec Ouattara. Un soutien très tiède résumé par un « C’était le moindre mal », comme pour justifier un choix contraint.

Aujourd’hui, les alternatives à Ouattara ne manquent pas : Tidjane Thiam, ami personnel du président, Laurent Gbagbo, mais aussi plusieurs hauts cadres du RHDP, sont prêts à prendre le relais. Selon nos informations, Paris ne soutient pas l’idée d’un quatrième mandat, et c’est précisément ce retrait de soutien qui met Ouattara en position de faiblesse.

Lors de la crise de 2010, l’armée française basée à Port-Bouët jouait un rôle crucial dans la sécurité du président Ouattara. Cette fois, elle ne reconduira pas son soutien en cas de crise. De plus, aucun responsable de l’administration actuelle ne sera accueilli en France dans un tel contexte.

La CPI, quant à elle, est déjà très attentive à la situation ivoirienne. Elle surveille de près les actions des officiers de l’armée, dans ce qui ressemble à une nouvelle page judiciaire en préparation. Ces développements galvanisent l’opposition, au point que Tidjane Thiam, artisan du revirement diplomatique de la France, affirme que « la bataille est déjà gagnée d’avance ».

Laurent Gbagbo, pleinement informé des positions diplomatiques actuelles, a haussé le ton à Port-Bouët. Sans protection extérieure, peu de responsables politiques ivoiriens pourront résister à sa popularité grandissante. L’homme qui, déjà sous Houphouët-Boigny, avait su faire plier « le Vieux », dispose désormais d’un carnet d’adresses renforcé par son statut d’ancien chef d’État.

Avec la position officielle de la France, qui appelle à un dialogue inclusif pour une élection apaisée, le ton est donné. L’ONU, récemment présente à Abidjan, a exhorté les autorités à réintégrer les leaders politiques exclus du processus électoral. Même le Canada s’est invité dans le débat en appelant le régime à respecter les libertés de manifestation, garanties par la Constitution.

Alors, que reste-t-il à Ouattara dans l’hypothèse d’une nouvelle crise, si lui et ses fidèles sont contraints de rester en Côte d’Ivoire, sans soutien extérieur ? Rappelons que les pays de l’AES (Burkina Faso, Mali et le Niger) et le Ghana seront également fermés aux actuelles dirigeants de la Côte d’Ivoire. L’AES entretient de mauvaises relations avec le régime Ouattara, accusé par Ouaga d’être à la base de sa déstabilisation.

Le camp Ouattara peut-il résister à une opposition unie ? Que dire des défections annoncées de cadres du RHDP qui pourraient mettre le régime Ouattara à terre dès les premières réactions internationales ? Car, malgré les discours lissés des plateaux télé, plusieurs cadres du parti au pouvoir sont prêts à tourner casaque. Ils attendent pour beaucoup le moment opportun, pour éviter des représailles.

Le navire RHPD tangue dans tous les sens. En l’état, seules des élections justes, inclusives et équitables pourront sauver ses membres. À méditer.